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Une histoire de famille
Un homme, sa compagne et sa fille de 16 ans vont passer quelques jours d'été dans leur maison de campagne. Leurs voisins sont pauvres et sinistres, détruits par la misère. Mais ils ont un fils du même âge environ que la jeune fille, dont la mère est morte il y a plusieurs années de cela. L’homme est fatigué, et comme absorbé en lui-même. Il ne dit quasiment rien, mais lorsqu’il parle, il est d’une intelligence et d’une sagesse certaines. Sa compagne est violoniste. Très fragile et sombre, elle se réfugie souvent dans l’alcool. Une addiction qui met à mal le couple. La première image du film de Sharunas Bartas est une biche effarée dans les bois de la forêt de Vinius où d’ailleurs va se passer toute l’histoire de notre film. Une histoire de famille. Un homme et sa femme accompagnée d’une jeune fille partent en week-end dans leur maison de campagne. On apprendra plus tard grâce à une vidéo que la maman de la jeune fille était l’actrice Katia Golubeva décédée prématurément à l’âge de 44 ans. Son dernier rôle marquant datait de Twentynine Palms (2003) de Bruno Dumont. Tous en crise, ils veulent néanmoins s’entraider mais éprouvent du mal à exprimer leurs sentiments et leurs craintes. Ils voudraient tellement être de bon conseil les uns pour les autres. Ce film, qui se caractérisé par de longs plans et de très riches paysages, est peut-être le long-métrage le plus intime et le plus personnel de Bartas. En toile de fond des personnages ruraux se déchirent. . Les plans brefs et serrés sur les personnages et la rareté des dialogues, représentant leur profonde incompréhension et solitude (dans une rare conversation avec son père, la fille explique se sentir "très isolée" et "enfermée en elle-même"), sont contrastés par les plans larges d’une nature lituanienne remarquablement photographiée (Eitvydas Doshkus), qui ouvrent les cadres et donnent aux personnages l’occasion de sortir de ce petit jeu très serré entre eux, de se retrouver, de se libérer. La jeune compagne part nager, nue, dans un lac, la fille se sauve pour rejoindre son ami d’enfance marginal (Edvinas Goldsteinas) au milieu de la campagne, le couple se retrouve et se câline sous un arbre… Les rencontres avec les voisins (un trio inversé fils, mère, compagnon de la mère) remettent finalement en perspective les tensions familiales qui, contrairement à eux, sont psychiques mais pas physiques. La puissance de Peace to Us in Our Dreams réside notamment dans le parti pris de Sharunas Bartas de flirter avec l’indicible et de représenter une atmosphère plutôt qu’un récit structuré. "J’aime les mots, je les connais bien, je sais ce qu’ils signifient. C’est pourquoi j’en use avec exigence", affirme le réalisateur. Entre la fracture d’une famille qui perd ses mots et le besoin de se retrouver via l’ouverture des champs, les images affluent, mot à mot, décrivant l'objet lointain de ce film qui cherche à affirmer une dérive sans frapper dans la tragédie familiale. Sharunas Bartas filme une œuvre intime et personnelle, interprétée tout en pudeur par sa fille et lui-même, la compagne (réelle violoniste) et les acteurs secondaires (amateurs pour la plupart). Plusieurs éléments, dont les décors du film ou l’utilisation d’archives vidéo familiales, renvoient eux-aussi à l’histoire du réalisateur. Nous ignorons, et c’est peut-être là-aussi sa force, dans quelle mesure le point de vue est auto-bio-graphique.