« Film primitif et épique, L’Héroïque Lande raconte comment cette ville naissante, en pleine croissance, où vivaient près de 7 800 personnes, sera détruite à 50% en février 2016. Comment les 4 000 migrants expulsés de la zone Sud, tenteront ensuite de renaître de leurs cendres dans la zone Nord. Avant que l’État ne décide d’anéantir l’ensemble du territoire en octobre 2016 et de disperser ses quelques 11 000 habitants, aux quatre coins de la France. » Voilà comment Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval présentent leur projet à propos de la dite « Jungle » de Calais, dont le titre et ce qu’il tente de recueillir, dit assez l’ambition. D’ampleur, on la mesure, si véritable mesure de ceci il est possible de partager. Or il s’agira justement de cela : du pari d’un partage, du défi d’un témoignage, qui fassent justice à la difficulté, mais aussi à la complexité, au sens le plus riche du terme, de cette situation. Que personne ici ne soit « objet » du film, que personne ici ne soit à la charge d’un cadre, d’une prise de son, mais qu’au contraire, tous et chacun viennent nourrir une image, viennent alimenter la circulation des paroles, viennent, entiers, se dresser contre l’abjection du déni d’existence. Ce que ces cinéastes montrent du coup ? Non pas la survie, et son lot de misères, de soumissions – et tout cela est en effet subi, qui le nierait ? ; mais l’affirmation des vies, des destinées, des puissances – d’où la lande déserte devenue étrangement terre de héros. D’où aussi l’emploi de musiques, même quand elle sont choisies par-dessus le son in. Car il ne s’agit pas tant de véracité ici que de véridiction. Autrement dit, il ne s’agit pas tant de prétendre coller aux faits que de décoller les mauvaises agglutinations et revendiquer une communauté précaire, mais puissante.