2017 est l'année du singe au cinéma. Après la délicieuse série B Kong: Skull Island, place au beaucoup plus ambitieux War for the Planet of the Apes qui termine la trilogie de la meilleure façon possible.
Si un jour Hollywood a une licence à repartir, elle devrait faire appel au réalisateur et scénariste Matt Reeves. C'est lui qui a remis la série sur le bon pied à la suite de l'ennuyant Rise of the Planet of the Apes et il a su élever le déjà très satisfaisant Dawn of the Planet of the Apes avec ce nouveau volet. Tout cela en payant hommage aux vieux films et en laissant la porte ouverte pour des suites.
Sa propension à créer une grande œuvre épique se ressent dans chacun de ses plans. Ses images, d'une beauté sidérante, atteignent un rare niveau de virtuosité technique et même de poésie, ne se privant pas pour emprunter à The Revenant et Apocalypse Now. Il n'est pas seulement question d'effets spéciaux, mais de l'endroit où placer sa caméra, donc de concevoir son art.
Tout cela est au service d'une histoire sombre, tragique, mais classique, où le chimpanzé César (Andy Serkis, quel acteur!) cherche à se venger d'un colonel diabolique. Le récit débute comme un film de guerre en poussant la violence et le danger encore plus loin que dans Wonder Woman et Rogue One. Puis il se mute en western où les grands espaces accentuent ce sentiment de fin du monde. Avant de bifurquer vers le long métrage de prison. Ce segment a beau s'éterniser, il possède néanmoins une force dramatique indéniable, seulement dans sa façon d'évoquer le mythique The Bridge on the River Kwai de David Lean (on doit également à l'auteur du livre original, Pierre Boulle, un certain... Planet of the Apes!). L'ensemble se termine presque de la façon des immenses fresques religieuses des années 50. L'humanité transcende l'ouvrage et on la note principalement sur le visage des singes. Ce sont enfin eux les véritables héros de cette aventure. En attendant d'avoir droit uniquement à une création avec des cris et des grognements dans la lignée de Quest for Fire, cette production s'en rapproche fortement. Le seul humain « gentil » est une petite orpheline, incapable de parler et qui mérite donc d'être sauvée. Bien que la plupart des personnages demeurent schématisés, ils bénéficient d'une interprétation appropriée. C'est le cas du méchant qu'incarne Woody Harrelson, plus nuancé qu'il n'y paraît. La présence du rigolo Steve Zahn en primate issu d'un zoo apporte une légèreté qui tranche avec la noirceur ambiante et qui n'est pas toujours convaincante.
L'effort aurait été encore plus puissant s'il ne soulignait pas autant l'émotion en place. La famille est le thème principal de l'opus et on le rappelle toutes les demi-heures. Pire encore sont les moments où les sentiments sont exacerbés par la musique. La trame sonore de qualité supérieure de Michael Giacchino (en mode Super 8) manque trop souvent de retenue. Le spectateur a de la difficulté à retenir ses larmes par endroits, ce qui ne l'empêche pas sur la trop longue durée d'être lassé par cette façon de beurrer trop épais.
De tous les épisodes, anciens et récents, War for the Planet of the Apes est un peu l'Empire Strikes Back de la série. Si le premier de tous avec Charlton Heston ne pourra sans doute jamais être délogé dans le cœur des cinéphiles, celui-ci possède un impact ravageur qui s'exprime à l'aide de visions fulgurantes et de thèmes dévastateurs. Difficile de trouver un blockbuster plus sensible et intelligent en cette période de l'année.