Dogman -12

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Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce..

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CANNES 2018: COMPÉTITION

Le loup dans la bergerie

Matteo Garrone a obtenu en 1996 le Sacher d’or, parrainé par Nanni Moretti, pour son court métrage Silhouette. Invité à Cannes pour y présenter L’embaumeur à la Quinzaine des réalisateurs en 2002, le cinéaste italien y obtient le grand prix du jury pour Gomorra en 2008, puis pour Reality en 2012, avant de présenter Le conte des contes en 2015. Inspiré d’une histoire vraie survenue en 1968, son nouveau film raconte comment un paisible toiletteur pour chiens (Marcello Fonte, vu  récemment dans L’intrusa) qui tombe sous la coupe d’un ami d’enfance devenu repris de justice et cocaïnomane (Edoardo Pesce, remarqué dans Cœurs purs). Le réalisateur a écrit cette fable stylisée avec ses plus fidèles collaborateurs, Ugo Chiti, Massimo Gaudisio et Maurizio Braucci, et l’a produite avec Paolo del Brocco, Jean Labadie, Jeremy Thomas et Alessio Lazzareschi. Le film sort le 17 mai en Italie et le 11 juillet dans l’Hexagone.

Pas de doute : les films de Matteo Garrone - on citera tout particulièrement Gomorra et Reality -sont tout sauf tièdes. Ça décoiffe, ça saisit, ça bouscule ! Une fois de plus le réalisateur ne nous sert pas du réchauffé et dès le premier plan de Dogman, il nous scotche dans notre fauteuil. Même si les canidés y sont parfois mignons, c’est un cinéma crépusculaire qui grogne et mord ceux qui s’en approchent. Le récit n’est pas tendre même s’il transpire de tendresse. Il est issu d’une image restée longtemps en friche dans la tête du cinéaste : « celle de quelques chiens, enfermés dans une cage, assistant comme témoins à l’explosion de la bestialité humaine… »
L’histoire démarre dans une Italie grinçante et rouillée comme une vieille balançoire qui aurait trop vécu, condamnée à progressivement disparaître. Les murs desquamés de cette banlieue de Naples suintent les ocres et la misère d’une classe ouvrière dont on finit par douter qu’elle ait jamais existé. Ici rien ne scintille mis à part quelques rares breloques pendues au clou d’une bijouterie peu orthodoxe. La mer semble tout aussi grise et fade qu’un jour sans fin. Pourtant Marcello y trace son sillon discret, vivotant de son petit négoce de toilettage pour chiens, sans oublier quelques compléments de salaires douteux pour mettre un peu de beurre dans ses pâtes et surtout celles d’Alida, sa fille qu’il aime comme la prunelle de ses yeux et que son ex-femme lui confie un week-end sur deux. C’est une belle complicité qui lie ces deux-là, une admiration réciproque qui leur fait partager les mêmes passions, celle notamment de plonger avec masque et tuba en eaux claires, même s’il faut aller les chercher loin de là.
Dans cette cité tristounette, Marcello a pourtant toujours un sourire radieux, un mot gentil à offrir. Sa simple présence discrète semble spontanément rendre la vie plus douce à ceux qui le croisent. Il est de ceux qui ne haussent jamais la voix, incapable de refuser un service, même si une petite alerte intérieure lui susurre que c’est loin d’être une bonne idée. Marcello est un brave. Tout aussi courageux quand il s’agit d’affronter un cerbère déchaîné qu’on lui amène à manucurer, que gentil quand il s’agit d’aider son prochain. D'ailleurs ici tout le monde l’aime. Même ce satané Simoncino, un fou furieux taillé comme un molosse qui, dès sa sortie de taule, recommence à terroriser tout le monde, même les caïds de la zone. Il faut dire qu’il consacre le peu de neurones que la cocaïne n’a pas encore fusillés à se procurer de quoi détruire le reste de son cerveau. Mais Marcello, en pauvre hère, ne parvient guère à lui résister et se retrouve vite entraîné vers une destinée toujours plus violente et sombre, tandis que les toutous toilettés du chenil observent ces hommes qui sont décidément plus féroces que des bêtes.
Dogman se dévide implacablement tel une tragédie grecque dans laquelle Marcello Fonte, qui endosse le rôle principal, est tout bonnement époustouflant, d’abord poignant puis magistral quand il laisse éclater sa rage de ne pas parvenir à exister. Il excelle dans cette descente aux enfers inéluctable. Que les dents grincent en chemin c’est certain, mais ça ne nous empêche pas de sourire, voire de rire aux éclats au détour d’une parenthèse humoristique où le ridicule ne tue pas les chiens, malgré tous les efforts de leurs maîtres.