Médecin de campagne

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Tous les habitants, dans ce coin de campagne, peuvent compter sur Jean-Pierre, le médecin qui les ausculte, les soigne et les rassure jour et nuit, 7 jours sur 7. Malade à son tour, Jean-Pierre voit débarquer Nathalie, médecin depuis peu, venue de l’hôpital pour le seconder. Mais parviendra-t-elle à s’adapter à cette nouvelle vie et à remplacer celui qui se croyait… irremplaçable ?

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Sacerdoce

On a découvert Thomas Lilti, médecin passionné devenu cinéaste du même métal, avec Hippocrate, formidable portrait d'un jeune interne plongé dans le maelstrom d'un grand hôpital parisien en proie à la réduction des effectifs et à la surchauffe. Son nouveau film s'intéresse encore à la médecine – le titre ne laisse aucun doute sur la question – mais, bien loin des grands complexes hospitaliers parisiens, il nous parachute dans le Vexin, région encore largement rurale à cheval entre la Normandie et les confins de l’île de France. La vie quotidienne est sans doute ici plus sereine, son rythme est plus raisonnable, à la mesure de ces paysages paisibles, qui n'ont guère bougé depuis un siècle… Il n'empêche que pour Jean-Pierre Werner, seul médecin dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres, la surchauffe est bien présente aussi. Du matin au crépuscule, il sillonne les départementales de la région, au devant des petits bobos et des grandes solitudes, tour à tour médecin généraliste, psychologue, assistant social, homme à tout faire, dans une campagne peuplée essentiellement de personnages âgées, pour qui il est parfois une des rares visites.
Les consultations à domicile s'enchaînent – très belles scènes qui témoignent bien du regard chaleureux de Thomas Lilti, en même temps que de sa connaissance approfondie de son sujet – et quand il revient, quasi systématiquement en retard, à son cabinet, la salle d'attente est souvent pleine de patients… Pas de doute, la tâche est rude. Et les confrères ne se bousculent pas au portillon pour accepter de s'installer dans une région pas spécialement attractive et fort peu lucrative : travailler dix à douze heures par jour à ce prix- là, c'est du sacerdoce !
Mais pour l'instant, ce n'est pas la surcharge de travail qui préoccupe Jean-Pierre. C'est même tout le contraire : ce qui le mine, c'est qu'il risque d'être obligé d'arrêter. Le diagnostic de son confrère et ami qui, dans la première scène du film, lui fait passer un examen du cerveau est sans appel : il souffre d'une tumeur temporale, il va lui falloir suivre un traitement lourd, fatiguant, donc il n'a pas d'autre choix que de lever drastiquement le pied et de se trouver dare-dare un remplaçant… 
C'est comme ça que débarque Nathalie, qui a tout pour déplaire au vieil ours Jean-Pierre, habitué à travailler tout seul, à ne s'expliquer de rien à personne, et claffi de préjugés éventuellement machistes : Nathalie est incontestablement une femme, une citadine qui n'a aucune expérience de la campagne, incapable de distinguer un jars d'un canard, et qui en plus a suivi un parcours peu orthodoxe puisqu'ancienne infirmière ayant repris des études de médecine sur le tard… Ce qui nous vaudra quelques scènes de bizutage aussi répréhensibles que cocasses. Mais Nathalie a un sacré tempérament et une vraie compétence et elle va s'accrocher, jusqu'à gagner la confiance de son confrère mal embouché…
Thomas Lilti livre un bel hommage, d'une évidente authenticité, à cette profession de médecin de campagne, somme toute méconnue et guère valorisée – pas étonnant qu'elle soit en voie de disparition –, en première ligne face à la crise générale de notre système de santé. Et il agrémente cette chronique bien sentie d'une fine trame romanesque où l'amour et la peur de la mort vont se croiser. Pour incarner ce couple a priori pas du tout fait pour s'entendre mais dont les solitudes vont évidemment se rapprocher, Marianne Denicourt et François Cluzet excellent.