Une ville vivante, bruyante, aux enseignes colorées. Un homme au volant, concentré. Son arrivée au domicile familial, une hacienda classieuse. Un serviteur ouvre grand les barrières… Les premières images nous racontent que l’action ne se situe pas au Moyen-Âge, qu’on n’est pas dans un pays sous-développé, ni dans une famille rustre. Elles ne nous laissent pas prévoir qu’on vient de pénétrer dans l’épicentre d’un cataclysme familial. Don Pablo, le maître des lieux, ne le sait pas encore lui-même. Le quarantenaire croyait se retrouver tranquillement avec son épouse et ses deux enfants (et quelques domestiques, bien sûr, mais leur prête-t-on attention ?), et le voilà aux prises avec un véritable conseil de famille improvisé. Père, mère (chapelet à la main), sœur, l’insupportable beau-frère et évidemment sa ravissante épouse aux joues encore ruisselantes de larmes… Dans la grande demeure cossue, tous sont là qui le guettent, à la fois catastrophés et en colère, accusateurs. On ne sait pas pourquoi mais ce doit être terrible…
Et Pablo de n’avoir pour seul et étrange réflexe que celui d’un petit garçon redoutant la fessée. Il court s’enfermer dans la chambre conjugale, que les membres du tribunal familial auront tôt fait d’ouvrir. Chacun dès lors lui martèle sa propre psalmodie. Tel le poussant à mentir, telle essayant d’inventer un traumatisme dû à l’enfance, tel autre le bannissant à tout jamais. Même la nature y va de sa protestation : une pluie diluvienne s’abat sur ce monde soudain assombri.
Pourtant il n’est question que d’amour et… d’infidélité matrimoniale. Quoi de plus banal que ces choses qui se règlent normalement entre quatre yeux, sans que ce soit une affaire d’état ? Seulement chez ces gens-là on croit. On croit en un Dieu qui gouverne les hommes plus que n’importe quel gouvernement. On croit plus qu’on ne pense… Et notre pauvre Pablo, pourtant bon père de famille, issu d’un milieu bien pensant, n’aura pour seul refuge que les bras de son amant, dans le milieu interlope de la nuit. Car c’est bel et bien de cela qu'il s’agit : d’orientation sexuelle « contre nature » dans un pays aux idées rétrécies qui en est encore au stade de ne pas faire le distinguo entre homosexualité et pédophilie.
La descente aux enfers de Don Pablo ne s’arrêtera pas-là. Dans son milieu évangélique, c’est un pan de société entier qui fera bloc contre lui, le chassant ou le conjurant de partir se soigner, lui refusant jusqu’au droit de voir ses propres enfants…
Le réalisateur Jayro Bustamante, comme dans son précédent film, Ixcanul, dénonce une société qui laisse peu de place à l'expression de l'individualité. Dans Tremblements, il fustige la place prise par la religion dans son pays, d’autant plus inquiétante qu’elle a donné naissance à un syncrétisme entre christianisme, rites ancestraux Mayas et sectes, ces dernières devenant de plus en plus influentes. Elles détiennent un véritable pouvoir politique sur le peuple. On est, comme le protagoniste principal du film, tenus en haleine, se demandant jusqu'où cela pourra dériver, quelle sera sa délivrance.