Hors normes

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Bruno et Malik vivent depuis 20 ans dans un monde à part, celui des enfants et adolescents autistes. Au sein de leurs deux associations respectives, ils forment des jeunes issus des quartiers difficiles pour encadrer ces cas qualifiés "d'hyper complexes". Une alliance hors du commun pour des personnalités hors normes.

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FESTIVAL DE CANNES 2019: LA DERNIÈRE SÉANCE

Un autre monde

C’est la première fois que le Festival de Cannes accueille le tandem à l’origine d’Intouchables (2011), le 2e plus gros succès de tous les temps avec près de 19,5 millions d’entrées France, mais aussi de Nos jours heureux, prix du public à l’Alpe d’Huez 2006, Samba (2014) et Le sens de la fête (2017). Hors normes est leur 7e   long depuis Je préfère qu’on reste amis (2005). Il se déroule dans le monde des jeunes autistes, à travers l’amitié de deux animateurs qui forment des jeunes des  quartiers à l’encadrement de cette communauté particulière. S’exprimant à  l’unisson, Olivier Nakache et Éric Toledano, que Jean-Pierre Bacri a joliment surnommé “les frères qui n’ont pas le même nom”, racontent ainsi la genèse de ce film qu’ils  considèrent comme la somme de leurs opus précédents : “Nous avions réalisé un documentaire pour Canal+ sur Le Silence des Justes, une  association qui vient en aide aux enfants autistes, au titre prémonitoire, On devrait en faire un film. Avant même d’écrire le scénario, nous avons rencontré séparément Vincent Cassel et Reda Kateb afin de leur proposer de passer du temps dans l’une de ces associations. Ce qui leur est arrivé sur le plan humain au cours de cette immersion les a  convaincus  d’accepter notre proposition. Vincent s’est identifié à Stéphane, le responsable d’une de ces associations, Reda à Daoud, qui dirige l’autre. Parce que c’était rassurant, on a recruté les éducateurs qu’on voit dans le film parmi les 70 personnes qui travaillent à leurs côtés. Les médecins, les infirmières et les comportementalistes interprètent pour la plupart leurs propres rôles. Par ailleurs, des non-autistes ont également été choisis pour jouer ce que les vrais ne pouvaient pas. Hors normes a nécessité une “surpréparation”, qui est passée par un briefing d’autant plus précis des cadreurs qu’on tournait souvent à plusieurs caméras.” Résultat : un film de fiction nourri de documentaire dont le tournage s’est échelonné sur une douzaine de semaines.

Si on ne peut que reconnaître l'efficacité de la filmographie d'Eric Toledano et Olivier Nakache, réalisateurs d'une série de feel-good movies qui ont été autant de succès hors pair (en premier lieu Intouchables, succès historique qui a fait exploser la carrière d'Omar Sy, mais aussi Sambaet plus récemment Le Sens de la fêteavec Jean Pierre Bacri). Devant Hors normes, on tire notre chapeau. Les grands raconteurs d'histoires que sont Toledano et Nakache ont remballé un chouia leurs recettes de comédie (même si le film offre quelques moment très drôles malgré le sujet un peu grave) pour transcrire avec émotion le combat de deux hommes bien réels et dont le parcours les a visiblement inspirés.
Deux hommes qui sont des symboles vivants : d'un côté Stéphane Benhamou, un Juif pratiquant qui a contribué à créer « Le Silence des Justes », une association communautaire mais ouverte à tous se consacrant à l'accueil des jeunes autistes, y compris les cas les plus difficiles ; de l'autre Daoud Tatou, un père de famille dyonisien et musulman qui a créé « Le Relais IDF », une association qui tente de resocialiser par le travail ou les sorties en ville les autistes également difficiles, qu'on garde en général enfermés dans des structures hospitalières. Le Relais IDF forme aussi des jeunes des quartiers populaires à devenir accompagnants sociaux. 
Le premier est incarné superbement par Vincent Cassel, qui joue un quadragénaire religieux, passé un peu à côté de sa vie à cause de sa passion, enchaînant sous la pression de ses amis les rendez-vous arrangés, souvent pour des résultats pathétiques. Le second, c'est Reda Kateb, qui joue un père de famille dont on se doute, au vu de son engagement et des heures indues auxquelles il rentre chez lui, qu'il a surtout vu ses enfants endormis…
Dès la première scène, une poursuite dans les rues de la ville dont on comprend peu à peu que c'est pour rattraper une jeune autiste en crise d'angoisse, on est plongé tout de suite dans le combat quotidien des travailleurs sociaux confrontés autant au rejet des autistes par leur environnement qu'aux absurdités administratives, les autorités ayant besoin du travail des associations tout en entravant celui-ci pour ne pas déroger aux règles. Le film se montre d'un réalisme saisissant tout en réservant des respirations très drôles, notamment le gag récurrent avec ce personnage à qui Reda Kateb tente de faire prendre le métro seul sans que celui-ci ne tire obsessionnellement le signal d'alarme ou qu'il essaie d'intégrer dans un travail où il se montre trop démonstratif dans son affection pour ses collègues.
Hors normes est ainsi un film formidable pour réviser notre regard sur le handicap, mais aussi la très jolie démonstration que, dans un combat commun, des gens que tout pourrait opposer (les Juifs orthodoxes du Silence des Justes ou certaines filles voilées du Relais IDF) se foutent de leurs différences quand l'objectif commun est plus fort que tout.