Les Mille et une nuits - volume 3 : l'enchanté

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Où Schéhérazade doute de pouvoir encore raconter des histoires qui plaisent au Roi, tant ses récits pèsent trois mille tonnes. Elle s'échappe du palais et parcourt le Royaume en quête de plaisir et d'enchantement. Son père, le Grand Vizir, lui donne rendez-vous dans la Grande Roue. Et Schéhérazade reprend : « Ô Roi bienheureux, quarante ans après la Révolution des OEillets, dans les anciens bidonvilles de Lisbonne, il y avait une communauté d'hommes ensorcelés qui se dédiaient, avec passion et rigueur, à apprendre à chanter à leurs oiseaux… ». Et le jour venant à paraître, Schéhérazade se tait.

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Volume 3: l'apothéose

Volume le plus libre et poétique des Mille et Une Nuits à la fois tristes et dionysiaques de Miguel Gomes, « L’enchanté » nous emmène d’abord dans un Bagdad des calanques, avec l’eau et la lumière méditerranéennes où s’ébrouent de jeunes corps insouciants, plongeurs et pécheurs marseillais, Adonis au physique de surfeur, sirènes aux allures de cagoles, et Shéhérazade (magnifique Crista Alfaiate, photo en tête de texte) qui apparaît enfin dans toute sa sensualité et sa suprême sagesse. Avec ses allures de péplum de Luna Park, où personnages en costumes orientaux évoluent dans des décors contemporains, Gomes donne libre cours à toute sa fantaisie musicale, comme si Pasolini croisait Wes Anderson dans une utopie cinématographique inventée par le magicien portugais. Cet univers coloré et paradisiaque cède la place à une partie documentaire qui n’en est pas moins dépaysante, « Le chant enivrant des Pinsons », immersion dans la communauté des « pinsonneurs », ces hommes marqués par la mauvaise vie d’un bidonville de Lisbonne dont la passion, héritée des vétérans de la guerre de 14-18, consiste à attraper des pinsons et à organiser des concours de chants entre les différents oiseaux. Rituel aussi farfelu que méticuleusement préparé, oasis de délicatesse dans une zone industrielle dévastée, qui explicite la relation entre l’homme et l’animal qui traverse les trois volumes de Gomes. On retrouve le génie ethnologique du cinéaste qui filme la réalité de son pays avec acuité, révélant des coutumes insoupçonnées comme autant de poches de résistance à la fureur et à la dureté de l’époque. Le dernier plan, longue marche sur une des sublimes chansons qui rythment le film, est une échappée belle, sur la route de l’espoir et de la liberté. Les Mille et Une Nuits ont ébloui ses premiers spectateurs à la Quinzaine justement grâce à cette liberté créatrice et cette croyance dans le cinéma qu’incarne aujourd’hui Miguel Gomes avec quelques auteurs de sa génération, et n’ont pas fini de nous faire rêver, dans les salles du monde entier.