La vie: mode d’emploi
Césarisé en 1996 pour Le moine et le poisson, puis oscarisé et primé à Annecy pour Père et fille en 2001, Michael Dudok de Wit signe avec La tortue rouge un premier long métrage sans paroles couvé artistiquement par le Studio Ghibli, en la personne de l’auteur du Tombeau des lucioles (1988), Isao Takahata, associé pour l’occasion avec Wild Bunch et Why Not. Sa production exécutive a, quant à elle, été prise en charge par Prima Linea dans son studio d’Angoulême. Le réalisateur néerlandais y développe un thème qui le fascine depuis toujours: la confrontation de l’homme avec la nature. À travers l’histoire d’un naufragé sur une île déserte tropicale couverte de bambous et peuplée de tortues, de crabes et d’oiseaux, ce film résolument atypique évoque en fait les grandes étapes de la vie d’un être humain. Son adaptation a bénéficié en outre de la précieuse contribution de la réalisatrice Pascale Ferran, laquelle s’est consacrée à cette aventure au lendemain de la réalisation de son film Bird People (2014). Les mouvements du personnage humain reproduisent précisément ceux du comédien et acrobate James Thierrée, vu récemment dans Chocolat de Roschdy Zem, la tortue du titre étant traitée quant à elle au moyen de l’animation 3D. Le film sort en France le 29 juin chez Wild Bunch.
The Tree of Life
Trop souvent et injustement cantonné dans la case enfantine, alors qu'il sait déborder du cadre avec une imagination folle, c’est pourtant bel et bien le cinéma d’animation qui a cueilli notre émotion et notre émerveillement sans crier gare lors du récent Festival de Cannes, grâce à trois films splendides. Deux que vous découvrirez un peu plus tard dans l'année : La Jeune fille sans mains et Ma vie de courgette. Et le plus magnifique des trois, dont il est ici question et qui va vous enchanter dès le 29 Juin : La Tortue rouge.
C’est un film sans paroles mais peuplé de sons, de musique et des bruits de la vie. Un film qui s’adresse à tous, adultes, adolescents et enfants pas trop petits, un film qui vous transporte ailleurs, dans un univers fait d'invention, de sérénité et de poésie. De l'invention et de la poésie, il y a en dans chaque plan de La Tortue rouge… Une invention subtile, tout en douceur, mais qui sait aussi être spectaculaire – l'extraordinaire séquence du tsunami –, une poésie simple, minimaliste, aussi évidente que le trait d’encre noire porté par la main de Picasso quand il dessine un oiseau, aussi naïve que les traits délicats et presque inachevés dans les tableaux de La Princesse Kaguya, le chef-d'œuvre d'Isao Takahata, qui a prêté son concours attentif à La Tortue rouge.
Il ne s'est pas trompé, le studio Ghibli, quand il a accordé sa confiance et apporté son soutien et ses compétences à Michael Dudok de Wit, réalisateur plus tout jeune et pourtant débutant dans le long métrage, après plusieurs courts multi-primés (Le Moine et le poisson, Père et fille). Il y a dans La Tortue rouge toute la beauté onirique des films de Miyazaki et surtout de Takahata, en même temps qu'un sens certain de l’épure propre à la culture japonaise. Économie des traits qui vont droit à l’essentiel, palette délicate et douce de couleurs dont les nuances ténues imposent à l’œil une attention de chaque instant : tout dans cette histoire nous tire vers le haut, au diapason de la belle et fière exigence indispensable à la réussite de ce bijou de l'animation.
Un homme, seul rescapé d'un naufrage, échoue sur le sable d'une île aussi désertique que tropicale. Une fois réveillé, il s'active : explorer l’île, trouver de quoi survivre, se faire chatouiller les orteils par les crabes… et tenter coûte que coûte de construire un radeau pour partir. Mais à chaque tentative, une tortue rouge vient heurter son embarcation de fortune et l'empêcher de prendre le large, le ramenant à chaque fois sur la plage. Elle semble être son ennemie, ce sera en réalité sa seule alliée. Car nous sommes dans un film d’animation, là où tout devient possible. De la tortue rouge éclot une femme. L’homme n’est plus seul. L’histoire peut continuer, se poursuivre, filer le temps de cette nouvelle humanité qui commence.
Chacun pourra lire cette histoire à sa manière, chacun y glissera l’écho de sa propre sensibilité, de ses propres croyances peut-être. Quel que soit l'angle d’approche, quel que soit l’âge du spectateur, le spectacle sera grandiose… et d'une simplicité merveilleuse. L’instinct de vie plus fort que tout, la force de la nature qui n'a d'égale que celle de l’amour, le temps qui passe, les liens d’humanité, l’envie farouche de découvrir le vaste monde… On trouve tout cela sous la carapace rouge de la tortue, et bien plus encore, il suffit juste d’avoir envie d'être un brin curieux.