QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2019
Cinéma sans frontières
Ala Eddine Slim présente Tlamess comme une continuité de ses films mais aussi la fin d’un cycle. “J’avais envie de continuer d’explorer l’idée du diptyque, comme je l’ai fait dans mon précédent long, The Last of Us, mais d’aller plus loin dans la séparation des deux volets.” Il a fondé en 2005 Exit Productions, l’une des premières sociétés indépendante tunisienne. “Aujourd’hui, plusieurs cinéastes continuent de faire des films en dehors des structures étatiques et il y a une réelle effervescence chez ces réalisateurs libres ainsi que de vrais désirs de cinéma. Les documentaires restent le fer de lance de cette vivacité, mais il y a de plus en plus de jeunes qui s’attaquent à des longs métrages de fiction, en mobilisant les énergies mais avec très peu d’argent. Après, il faut savoir qu’il n’existe pas de véritable marché en Tunisie. Et il n’y a pas plusieurs alternatives de financements étatiques. Chacun doit imaginer sa stratégie de production.” Tlamess a été financé par le Centre national du cinéma et de l’image tunisien, le CNC, le ministère de la Culture tunisien, le World Cinema Fund (Berlinale), ainsi que des partenaires privés. Ala Eddine Slim a choisi des comédiens venant d’horizons très différents. “J’aime dépasser les limites géographiques et concevoir que l’on fasse partie de la planète cinéma ; plus de frontières, plus de terres, plus de territoires, sauf l’imaginaire. Et du coup, j’ai un acteur égyptien, une actrice tunisienne et Khaled Ben Aissa, un ami de longue date qui est réalisateur et comédien algérien. Je ne crois pas à un 7e art qui soit lié à une région. Le cinéma est plus généreux et infini qu’une catégorisation géographique”.
Dans un désert hostile, un groupe de soldats évolue lentement face au danger des collines de l'atlas tunisien. Au retour à la caserne, un sentiment de morosité générale domine face à cette guerre incompréhensible qui ne dit pas son nom. Au cœur de la nuit, une détonation. Au petit matin, un des jeunes soldats obtient une permission suite au décès de sa mère. On le congratule et on l'encourage à revenir vite. Mais la désertion guette, sans préméditation...
Ce film est indescriptible. Divisé en deux parties presque indépendantes l'une de l'autre, mais néanmoins complémentaires, il déploie une inventivité formelle et narrative extrêmement singulière. Un peu à la manière d'un rêve, les évènements s'enchaînent de manière évidente sans pour autant adhérer à la logique cartésienne à laquelle nous sommes habitués. Ala Eddine Slim laisse une grande place à la sensation, au ressenti, à l'instinct. Sa manière même d'écrire et de réaliser répond à une logique toute particulière dont le but est de laisser une grande liberté d'interprétation au spectateur. Sortilège déborde ainsi de symboles, de possibilités, de sens cachés. Mais il est aussi déstabilisant par sa manière transgressive de nous immerger dans un univers si éloigné de notre réalité. Invitation à l'errance, au retour à la nature, c'est aussi une réflexion sur la liberté et une œuvre ambitieuse portée par la poésie des images.