De l'or pour les chiens

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Fin de l’été, Esther 17 ans, termine sa saison dans les Landes. Transie d’amour pour un garçon déjà reparti, elle décide de prendre la route pour le retrouver à Paris. Des plages du sud aux murs d’une cellule religieuse, le cheminement intérieur d’une jeune fille d’aujourd’hui.

Vos commentaires et critiques :

 

La première scène assez torride, située sur une plage du Sud-Ouest, nous montre la jeune Esther faire l’amour de tout son corps et de toute son âme avec un garçon qu’on devine plus vieux qu’elle. On pourrait en déduire hâtivement qu’Esther, du haut de ses 17 ans, est déjà parfaitement libérée et sûre d’elle-même mais, comme l’explique avec une grande lucidité la réalisatrice, elle fait partie de cette génération qui, biberonnée à internet et aux clichés pornographiques, croit tout savoir de la sexualité sans rien savoir de l’amour. Quand elle rencontre Jean, ce beau garçon effectivement plus âgé et plus expérimenté, elle recense soigneusement dans son journal les pratiques sexuelles auxquelles il l’initie et en déduit que, aucun doute, c’est le grand amour. Si bien que quand l’été se termine, et que son « amoureux » repart à Paris en lui laissant bon gré mal gré son 06, elle se persuade que c’est le début d’une grande histoire et qu’ils se reverront. Forcément. Armée de rien, sinon d’un petit sac à dos et d’une jupe trop courte, elle va donc entreprendre le voyage vers la capitale pour retrouver Jean. Qui bien sûr va lui faire comprendre – plutôt gentiment – qu’elle s’est trompée sur ses intentions, qu’il a passé de bons moments avec elle mais qu’il a déjà une copine et que leur relation n’était pas faite pour durer au-delà des vacances. Le ciel tombe sur la tête d’Esther, qui va aller de désillusion en désillusion, jusqu’à atterrir de manière improbable dans un couvent niché au cœur du quartier Port Royal.
Construit en trois parties distinctes (l’été des premiers amours et des illusions, les douches froides de l’automne parisien et la quasi-miraculeuse renaissance aux côtés des moniales), De l’or pour les chiens prend le contre-pied des souvent pénibles films plus ou moins romantiques et gnangnan sur l’éveil des adolescents à la sexualité et aux relations amoureuses, et dresse le portrait complexe et singulier d’une jeune fille qui n’a rien perdu de sa pureté et de sa naïveté malgré sa précocité sexuelle. Une jeune fille dont on comprend, au fil de quelques scènes bien troussées, qu’elle ne peut pas compter sur sa famille, entre une mère démissionnaire et presque indifférente (excellente Julie Depardieu) et un beau-père aux regards et attitudes déplacés.
La dernière partie, parfaitement inattendue, qui voit Esther retrouver ses marques auprès de religieuses coupées du monde – bien qu’en plein cœur de de Paris ! – est réellement réussie, car dénuée de tout angélisme benêt comme de toute tentation caricaturale. La jeune femme trouve simplement dans ce couvent le temps nécessaire, loin des sollicitations et des embrouilles, pour se confronter à d’autres réalités, notamment grâce à une religieuse qui, contrairement aux clichés, n’est pas non plus insensible aux désirs de la vie temporelle.
C’est donc un drôle de film, tout à fait original, qui passe de l’atmosphère solaire des plages aquitaines à la rigueur de l’espace monacal, filmées avec un égal bonheur par Anna Cazenave Cambet, sur les pas d’un personnage aussi attachant qu’imprévisible, remarquablement interprété par la débutante et soufflante Tallulah Cassavetti, tout en contrastes et nuances, capable d’incarner avec la même justesse l’abandon sensuel et la complexité des bouleversements intérieurs.