Heli

Quand dans un pays la violence est une culture…

Amat Escalante nous a déjà sidérés avec ses deux premiers longs métrages, les radicaux et terribles Sangre et Los Bastardos. Il nous scotche tout autant dès le premier plan d'Heli : un jeune homme balancé et pendu du haut d'un pont, signal envoyé fréquemment semble-t-il par les gangs ou les paramilitaires à ceux qui voudraient contester leur pouvoir… La suite du film nous contera en flash-back le destin inéluctable d'Heli, sa femme et son jeune enfant, ainsi que celui de sa jeune sœur de douze ans, fiancée pour son malheur avec un jeune policier de dix-huit ans, un peu crétin et fanfaron.

Au départ rien ne prédispose cette gentille famille à se retrouver mêlée à la guerre que se livrent narcotrafiquants, police officielle et milices paramilitaires, chaque groupe étant à l'occasion perméable aux autres. Chaque matin à l'aurore, Heli fait des kilomètres à vélo pour rejoindre l'usine General Motors délocalisée au milieu de la Sierra Madre occidentale et la petite sœur met son joli uniforme pour suivre une scolarité honorable. Mais il suffit que le fiancé policier détourne quelques paquets de drogue pour que tout bascule inexorablement dans l'horreur. Et Heli, le jeune ouvrier de l'automobile, va devoir se battre pour sauver ce qui reste de sa famille.

La mise en scène exceptionnelle d'Amat Escalante fait alterner les longs plans splendides qui mettent en valeur le cadre désertique de la Sierra Madre – avec parfois des moments de pure poésie absurde, comme lorsque le jeune policier veut montrer sa force en faisant de l'haltérophilie au milieu du désert avec le corps enfantin de son amoureuse – et au contraire des plans serrés et un montage énergique quand la violence éclate. Une violence absurde qui émane autant de la police militaire que des gangs. Une violence terrifiante, voire insoutenable, mais qui reste sans doute en deça de la réalité.

Et face à ce chaos général, il faut qu'Heli cherche en lui une énergie et une colère qu'il saura trouver pour survivre, le jeune homme portant en lui tout le désespoir d'un peuple confronté, sans protection de la société, à la barbarie.