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Il y a cinq ans, on s’était explosé les zygomatiques devant Le Nom des gens de Michel Leclerc, comédie trépidante, dont le personnage principal Bahia Benmahmoud, incarné par la foldingo Sarah Forestier, était une jeune militante de gauche très engagée et très libérée au point de coucher systématiquement avec des hommes de droite pour leur faire virer leur cuti politique. Un film hilarant qui s’offrait même Lionel Jospin en guest star pour une apparition réjouissante d’autodérision… Pour notre bonheur, Baya Kasmi, co-scénariste du Nom des gens, revient avec un personnage assez proche de celui de Bahia. Hanna, incarnée par la pétulante, drôle, sensuelle Vimala Pons (la serveuse qui enflamme Bruno Podalydès dans Comme un avion) est une jolie trentenaire pas forcément raccord ni avec l’idée qu’on peut se faire de ses origines ni avec son métier. Hanna est d’origine algérienne par son père (formidable Ramzy), « épicier social » de quartier (il se met en quatre pour satisfaire ses clients capricieux mais fauchés) mais malgré les quolibets et les sifflets, elle s’habille de manière très affriolante et vit une sexualité sans entrave.
Elle est Directrice des Ressources Humaines chez un grossiste en vins mais ne supporte pas de virer quelqu’un – elle a hérité de son père la névrose de la gentillesse – si bien qu’elle couche avec les licenciés pour les consoler ! Ce qui donne quantité de quiproquos rocambolesques, surtout quand un jeune médecin désemparé par la mort de sa mère croit reconnaître en elle un amour de lycée et qu’elle n’ose le contredire, allant jusqu’à l’accompagner jusqu’à la chambre mortuaire. Il faut dire qu’entre un père qui s’en veut à mort de ne pas avoir réussi à trouver un fruit du jacquier pour une cliente chinoise, une mère psy bénévole pour les chômeurs de la cité (Agnès Jaoui, impeccable), une grand-mère arnaqueuse et adepte du chichon (géniale Anémone) et un frère de plus en plus barbu et de plus en plus obtus sur les préceptes religieux au point de vouloir repartir en Algérie… Hanna de quoi être un chouia déboussolée.
Je suis à vous tout de suite aurait pu être une simple comédie efficace avec des personnages typés et hauts en couleurs, mais Baya Kasmi va au-delà. On comprend peu à peu qu’un événement du passé a éloigné le frère et la sœur puis un autre survient, quelque peu dramatique, qui va les réunir et qui permet de faire basculer le film dans quelque chose de bien plus malin et subtil que la première demi-heure pouvait le laisser paraître. Sans stigmatisation ni angélisme, Je suis à vous tout de suite est, sur un registre volontairement comique, un des films les plus intelligents que l’on ait vus sur les questions d’identité pour cette deuxième génération d’immigrés. Comment parvient-on à se construire entre une partie de son cœur de l’autre côté de la Méditerranée et sa volonté de s’intégrer dans la société française qui vous montre des signes de rejets ?
Hanna et son frère ont des réactions opposées, mais Baya Kasmi se moque gentiment des deux avec tendresse, comme dans cette scène hilarante où les cousins algériens demandent au frère d’Hanna s’il revient d’Afghanistan vu son accoutrement. Ni le frère pourtant islamiste gratiné, ni la belle-sœur voilée mais libre, intelligente et parfois guide pour son mari, ni Hannah avec tous ces excès et sa trop grande générosité sexuelle ne sont vus avec un jugement moral. Chacun a ses faiblesses, ses défauts, ses barrières mentales qui ne sont pas infranchissables et chacun fait comme il peut avec son identité, son passé et chacun finit par aller vers l’autre quand cela devient impérieux. Et c’est une belle et drôle leçon de tolérance et de vivre ensemble.