Le film tient sur une journée – pas n’importe laquelle : la dernière journée des vacances d’été de Vika, à peine dix ans, avant que son père ne vienne la chercher. Ces vacances, elle les a passées chez son grand-père pêcheur, au bord de l’eau, sillonnant sans chaussures aux pieds la plage et les montagnes, se baignant toute nue « pour ne pas attraper froid », sympathisant avec les éléments et les considérant comme ses camarades de jeu, son cor toujours à la main, lançant des appels au large pour annoncer cette terre paradisiaque et hors du temps.
Vika est libre dans sa petite robe à pois volant au vent, peut-être un peu sauvage, mais avant tout heureuse de vivre proche de la nature, en toute harmonie. Tout l’oppose à ce groupe de jeunes garçons qui parcourent aussi la plage, tour à tour désœuvrés ou en s’inventant des jeux de pouvoir, écoutant trop fort de la musique sur le transistor nasillard qu’ils baladent partout en traînant leur panier de crabes. Entre ce groupe et Vika : deux univers, deux visions du monde. Vika le sait et s’applique à s’en tenir à distance. Jusqu’à l’arrivée d’un nouveau, Romas. Rejeté par les gars du groupe parce qu’il n’a rien à leur offrir, il va être intrigué par cette fillette qui ne collectionne ni les timbres, ni les cailloux. En ce dernier jour de vacances, un lien va très vite naître entre ces deux satellites solitaires et avec lui confiance mutuelle, confidences et secrets partagés… Mais aussi la trahison et le douloureux apprentissage de l’amitié déçue…
Initialement censuré à cause des scènes de baignade, ce gracieux poème a été remarqué à Cannes dans la catégorie jeunesse, avant de ressortir dans son pays et récolter un très grand succès. Adaptée d’un livre pour la jeunesse, cette histoire sur et avec des enfants pourrait se présenter simplement comme un conte initiatique mêlant respect de la nature et passage de l’innocente spontanéité enfantine à la réflexion de l’âge de raison, et ce serait déjà un très beau film, avec ses larges plans en noir et blanc où scintille l’eau, dansent les vagues et chante le vent.
Ce serait oublier que c’est aussi un film tourné en pleine guerre froide dans un pays fragile. La Lituanie en effet, après une brève expérience de la démocratie quelques années auparavant et un long combat pour garder son indépendance, est revenue après la seconde guerre mondiale dans le giron de mère URSS. Et indéniablement, La Jeune fille à l’écho est un film russe, tourné en russe puis doublé en lituanien, qui, grâce à ses jeunes protagonistes et son récit naturaliste, s’habille d’insouciance et de candeur pour contourner subtilement la censure – nous rappelant en cela un autre bijou de ces mêmes années : L’Enfance d’Ivan d’Andreï Tarkovski. Y sont ainsi abordés en douceur des questions de portée plus politique, des conflits plus engagés, en référence à une histoire économique récente. Ainsi que la confrontation entre la liberté individuelle et l’oppression du groupe qu’incarnent mine de rien les garçons avec leur transistor et Vika dans sa petite robe virevolante. Un trésor !
La Jeune fille à l’écho, petit bijou d’innocente fraîcheur à venir découvrir en famille.