Festival de Cannes 2021 : la dernière séance
Françafrique
Humoriste à la verve virevoltante, le fils prodigue de Guy Bedos exerce de multiples activités artistiques dont la réalisation constitue l’aboutissement ultime, comme l’a prouvé Monsieur & Madame Adelman, nommé en 2018 au César du meilleur premier film. Après avoir présenté La belle époque hors compétition en 2019, Nicolas Bedos revient à Cannes avec le nouveau volet de la saga de l’agent secret mis en scène par Jean Bruce dans 88 romans, adapté pas moins de sept fois au cinéma entre 1957 et 1970. Le réalisateur a déjà enchaîné avec son quatrième film intitulé Mascarade. Après Le Caire, nid d’espions (2006) et Rio ne répond plus (2009), signés tous deux par Michel Hazanavicius, qui ont attiré respectivement 2,3 millions et 2,5 millions de spectateurs, ce troisième tome était attendu par les fans depuis une décennie. Le scénariste Jean-François Halin, resté quant à lui fidèle au poste, entraîne l’agent secret imaginé par Jean Bruce en représailles au fameux James Bond 007 de Ian Fleming dans la Françafrique de 1981, où les mauvais coups volent particulièrement bas et où un jeune loup aux dents longues de la nouvelle génération, campé par Pierre Niney, tente de jouer les trouble-fête sous le matricule OSS 1001 pour ringardiser Hubert Bonisseur de La Bath. Produit par les frères Altmayer et Mario Zvan, OSS 117 : alerte rouge en Afrique noire sera distribué par Gaumont dès le 4 août.
Allez ne faites pas les bégueules, vous avez toujours rêvé petit d’être espion, d’avoir une voiture amphibie ou une montre explosive. Beaucoup d’entre vous ont rêvé d’être Sean Connery (nettement moins Roger Moore) ou plus récemment Daniel Craig. Moi je rêvais d’être au KGB et de coincer Bond mais tout le monde n’a pas eu des parents communistes. Mais personne n’a rêvé d’être Hubert Bonnisseur de la Bath. HBB (pour simplifier la lecture) c’est OSS 117, espion français créé dans les années 50, par un certain Jean Bruce et adapté au cinéma dans deux précédents opus par le jubilatoire Michel Hazanavicius. OSS 117 en dehors du costume et du sourire carnassier censé plaire aux dames (c’est tout de même le beau Jean Dujardin qui l’incarne) a toutes les qualités inverses de James Bond : il est dôté d’une bêtise insondable (mais d’une chance insolente qui seule lui permet de sortir des pires situations), accumule les blagues sexistes et racistes et comprend aussi bien la géopolitique qui devrait le préoccuper vu son métier, qu’un spectateur de Cyril Hanouna ou de Pascal Praud.
Les aventures pathétiques mais rebondissantes de l’agent OSS 117 avaient déjà beaucoup fait rire lors des deux premiers opus. Mais OSS a vieilli et nous arrivons au début des années 80, plus aussi fringant, désormais devenu un peu ringard et un peu encombrant alors que ses supérieurs supportent de moins en moins son côté réac old school. Et notre ami va être envoyé en Afrique, ou devrait-on dire en Françafrique, dans un de ces pays qui après la décolonisation a été mis en coupe réglée par le gouvernement français afin que notre grand pays continue de faire fructifier ses intérêts économiques grâce à des dictateurs corrompus, une pratique que Mitterrand sut bien hériter de VGE. Mais voilà que quelques rebelles politiquement conscientisées osent perturber tout ça. Et on va envoyer OSS affublé d’un jeune nouveau plus frais, plus moderne, incarné par Pierre Niney.
Au delà des gags de situation autour de la confrontation des générations et des gags légendaires autour du racisme larvé de notre agent, Nicolas Bedos qui a repris le flambeau a magnifiquement réussi à glisser une satire politique et acide d’un système qui perdure encore aujourd’hui, et il serait idiot de ne voir dans ce troisième opus qu’une comédie gros calibre. Et le duo d’acteurs fonctionne à plein, alors ne vous privez pas.