Human Flow est bien le titre qui s’impose face à ces images saisissantes d’une rivière humaine au débit incessant, coulée mouvante, vulnérable et anonyme d’enfants, de femmes et d’hommes qui s’écoule inlassablement vers un estuaire improbable dont le nom est espoir. À suivre ces images, capturées dans des paysages contrastés de pluie, de boue, de soleil ou de vent, on sent bien que cette gigantesque marée humaine a quelque chose d’historique. Ces dernières années ont vu plus de 65 millions de personnes contraintes de quitter leur pays pour fuir la famine, les bouleversements climatiques et la guerre : il s'agit du plus important flux migratoire depuis la seconde Guerre Mondiale.
Tourné sur une année à travers 23 pays, le documentaire s'attache à suivre plusieurs trajectoires d'hommes et de femmes en souffrance. Ai Weiwei s'embarque dans un long voyage qui le conduit à Lesbos, l’île grecque devenue la principale porte d'entrée des migrants en Europe entre 2015 et 2016, ou encore dans l'immense camp de réfugiés de Dadaab au Kenya, en passant par les camps de Gaza, la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan, les champs de bataille d'Irak, avant de se terminer entre Mexique et Etats-Unis, là où le président américain Donald Trump a promis d'ériger « un beau mur infranchissable ». Human Flow recueille les témoignages des migrants qui racontent leur quête désespérée de justice et de sécurité : ils parlent des camps surpeuplés, de leurs périples en mer à très haut risque, des frontières hérissées de barbelés, de leur sentiment de détresse et de désenchantement, mais aussi de leur courage, de leur résilience et de leur volonté d'intégration. Ils évoquent la vie qu'ils ont dû abandonner et l'incertitude absolue d'un avenir meilleur.
Au-delà des peurs, celle d’un autre venu d’ailleurs pour bousculer notre confort et notre tranquillité, celle du terroriste caché dans la foule, ce flot anonyme devient sous la caméra bienveillante d’Ai Weiwei un visage lumineux, un sourire d’enfant, l’amour d’une mère ou les larmes d’un parent… C’est vous, c’est toi, c’est moi, c’est le visage de l’humanité.