Jusqu’en 1989, le village de Dafen dans la province de Shenzhen en Chine était à peine plus grand qu’un hameau. Il y a maintenant plus de 10 000 habitants dont des centaines de paysans reconvertis en peintres. Dans les ateliers, appartements et même dans les rues, les peintres ouvriers de Dafen produisent des milliers de répliques de peintures occidentales mondialement connues, dans une frénésie aux allures de fourmilière géante où les commandes affluent des quatre coins du monde. Ici, les toiles se font à l’huile et à la chaîne, du lever au coucher du soleil, et sans doute aussi la nuit. Devenus maîtres dans l’art de la copie, les peintres aguerris, mais aussi leurs femmes et quelques stagiaires travaillent, vivent au rythme de Monet, Van Gogh et tant d’autres. Leurs œuvres terminées, elles sèchent par centaines sur des fils suspendus, dans les ateliers, dans la rue, puis partent dans ces fameux containers à bord de gigantesques cargos qui parcourent ensuite les eaux internationales, inondant les marchés occidentaux d’un triomphant « made in RPC ».
Le film suit la vie et les états d’âme de l’un de ces peintres, Xiaoyong Zhao, devenu un expert des tableaux de Vincent Van Gogh. Pour en avoir copié avec sa famille des milliers, il pourrait peindre les yeux fermés les tournesols, la chaise, l’oreille coupée ou la célèbre église d’Auvers-sur-Oise. Il a appris toutes les astuces pour que la copie soit plus vraie que nature : la lumière, les proportions, les reliefs, la texture. Mais plus qu’un formidable technicien, l’homme est un cœur sensible, un esthète et plus il fait du Vang Gogh, plus Vincent envahit son esprit, questionnant sa relation à l’Art, lui qui n’a jamais peint une toile personnelle. Alors quand l’un de ses plus importants clients hollandais l’invite à venir passer quelques jours à Amsterdam et voir l’œuvre originale de son maître, c’est comme un rêve de gosse qui prend vie. Mais les rêves, peut-être, doivent rester dans les nuages tourbillonnants de peur de se rompre au contact de la réalité. Quand il découvre que ses toiles, celles dans lesquelles il a mis tout son talent et tout son cœur, sont vendues entre les briquets et les serviettes en papier de quelconques échoppes de souvenirs, et quand il calcule rapidement l’énorme bénéfice que son client se fait sur toutes ces heures de sueur de travail, il est quelque peu déboussolé…
Mais l’ombre de Van Gogh, lui que personne n’a vraiment compris de son vivant, le conforte et le rassure… Et c’est sur sa tombe, à Auvers-sur-Oise, qu’il comprendra enfin qu’il est peut-être temps pour lui d’oser prendre les pinceaux et suivre sa propre inspiration. À la fois plongée dans un univers fascinant et inconnu et portrait touchant d’un artiste à fleur de peau, Copyright Van Gogh© interroge notre rapport à l’Art et sa pureté perdue, dans un monde où il est devenu un simple bien marchand parmi tant d’autres.