Bonne mère

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Nora, la cinquantaine, femme de ménage de son état, veille sur sa petite famille dans une cité des quartiers nord de Marseille. Après une longue période de chômage, un soir de mauvaise inspiration, son fils aîné Ellyes s’est fourvoyé dans le braquage d’une station-service. Incarcéré depuis plusieurs mois, il attend son procès avec un mélange d’espoir et d’inquiétude. Nora fait tout pour lui rendre cette attente la moins insupportable possible…

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Cannes 2021 : Sélection officielle – Un certain regard

 L’esprit de famille

Révélée à 20 ans par Abdellatif Kechiche dans La graine et le mulet (2007), qui lui a valu le prix Marcello Mastroianni à Venise et le César du meilleur espoir féminin, Hafsia Herzi signe le court métrage Le Robda (2010), puis un premier long, Tu mérites un amour, qui remporte le Valois de la mise en scène au Festival d’Angoulême 2019. Sélectionnée parmi les Shooting Stars de la Berlinale 2009, elle s’affirme comme actrice sous la direction d’Alain Guiraudie (Le roi de l’évasion, 2009), Radu Mihaileanu (La source des femmes, 2011), Bertrand Bonello (L’Apollonide : souvenirs de la maison close, 2011), Emmanuelle Bercot (Elle s’en va, 2013), Sylvie Verheyde (Sex Doll, 2016) et Madame Claude, 2021) et Roschy Zem (Persona non grata, 2019). Son deuxième film comme réalisatrice raconte le dévouement d’une femme de ménage pour sa famille dans une cité des quartiers Nord de Marseille, rôle qui révèle Kenza Ramouhni. Bonne mère entérine la fidélité du producteur Saïd Ben Saïd (Benedetta) vis-à-vis de Hafsia Herzi, elle-même fidèle au chef opérateur Jérémie Attard, qui a signé la photo de Seize printemps (2021) de Suzanne Lindon, et au compositeur Rémi Durel, associé au documentaire Leur Algérie (2020) de Lina Soualem. C’est SBS Films Distribution qui sortira le film le 21 juillet.

 

 

En 2007, une toute jeune actrice de 20 ans nous laissait pantois avec son impressionnante interprétation dans La Graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche où elle incarnait une adolescente prête à tout pour sauver la petite entreprise de son père de cœur… Un rôle qui valait directement à la débutante un prix d’Interprétation à Venise. 12 ans et une petite trentaine de films plus tard, Hafsia Herzi est passée une première fois de l’autre côté de la caméra pour Tu mérites un amour, chronique à la fois tendre, lucide et parfois burlesque d’un chagrin d’amour, tournée l’espace d’un été et déjà sélectionnée à Cannes.
Mais depuis bientôt 15 ans, Hafsia Herzi mûrissait son grand projet : faire le portrait d’une de ces mères courage qu’elle a croisées pendant son enfance vécue dans les quartiers Nord de Marseille. Un projet qu’elle a fini, à force de ténacité et de conviction, par concrétiser. La très belle première séquence nous fait découvrir Nora, qui part de sa cité aux aurores, prend plusieurs correspondances de bus pour rejoindre au prix d’un trajet interminable l’aéroport de Marignane où elle fait partie de l’équipe d’entretien des avions. Mais comme beaucoup de femmes des quartiers populaires souvent issues de l’immigration, Nora vit la triple journée : une fois son travail terminé à l’aéroport, elle se rend ensuite chez une dame âgée dont elle est l’aide de vie et avec qui elle entretient, on le devine, un rapport d’amitié qui n’a que faire des classes sociales et de l’identité culturelle. Et enfin, quand elle rentre chez elle, c’est à sa nombreuse et tumultueuse famille qu’elle doit se consacrer : son fils, nounours gentiment glandeur à qui elle passe tout, sa fille, jeune mère qui combat la précarité, et son petit-fils à qui manque terriblement un père tombé en prison après un braquage qui a mal tourné.
C’est une chronique familiale et intimiste très juste, souvent extrêmement touchante, qui permet à Hafsia Herzi de restituer superbement tous les aspects de la vie des gens qui ont toujours été ses proches : le quotidien âpre et parfois violent dans des quartiers que la puissance publique a abandonnés, la menace de la prison, qui touche et sépare bien des familles, mais aussi l’amour et la solidarité de ceux qui ont si peu et qui transcendent – n’en déplaisent aux chroniqueurs fachos de C-News – les questions d’identité. Les merveilleuses scènes de partage entre les agents d’entretien de Marignane ne sont pas sans rappeler celles entre les ouvriers ou les cheminots des films de Ken Loach.
Et puis il y a la marque de fabrique Hafsia Herzi : ce sens de l’humour indéfectible qui est aussi l’arme des petites gens, des sans-dents et autres catégories ignorées des dominants, et qui donne au récit de savoureux moments de respiration. C’est notamment le cas avec cette géniale histoire de filles qui se font des pépètes en assouvissant les penchants masochistes de quelques notables des quartiers Sud. Une anecdote parfaitement authentique, racontée par une de ses copines à une Hafsia adolescente et médusée. Et un joli pied de nez en passant à la supériorité de classe patriarcale !
Pour couronner le tout, Hafsia Herzi filme magnifiquement sa ville et son quartier qui, bien qu’il soit devenu l’un des plus dangereux d’Europe, porte une beauté brisée, poche de misère et de couleur, mais aussi de fierté au-dessus de la mer, loin des secteurs branchés qui font le bonheur des Parisiens en week-end. Du coup, face à tant de talent, on ne sait pas si c’est devant ou derrière la caméra qu’on est le plus impatient de retrouver prochainement Hafsia Herzi. Peu importe, ce sera de toute façon du bonheur.