Festival de Cannes 2021 : hors compétition
Tous pourris ?
Programmé initialement pour les fêtes de fin d’année 2020, le quatrième long métrage de Cédric Jimenez renoue avec une grande tradition du cinéma français : le polar urbain. L’auteur de La French (2014) s’y inspire d’une affaire survenue en 2012, dans laquelle des policiers ont fait l’objet d’une enquête en raison de leur collusion suspectée avec des membres du milieu marseillais. Une affaire dont le jugement, survenu au printemps 2021, a validé la thèse soutenue dans le film, qui n’en tire que davantage de crédibilité. Comme les précédents films du réalisateur, révélé par Aux yeux de tous (2012), raconté du point de vue des caméras de surveillance, BAC Nord a été écrit avec la collaboration de son épouse journaliste Audrey Diwan, devenue elle-même réalisatrice entretemps avec Mais vous êtes fous (2019) et L’événement (2021), et Benjamin Charbit qui a obtenu le prix lumière 2019 du meilleur scénario pour sa contribution à En liberté ! de Pierre Salvadori. Studiocanal distribuera dès le 18 août ce polar musclé produit par Vincent Mazel et Hugo Sélignac sous l’égide de Chi-Fou-Mi Productions, Studiocanal et France 2 Cinéma, et qui réunit Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou, Adèle Exarchopoulos, Kenza Fortas et Idir Azougli
Marseille, star de Cannes. Après «Stillwater» ou «Bonne mère», la cité phocéenne est à nouveau le décor, voire l’actrice de «Bac nord» et une nouvelle fois, la carte postale du Vieux port n’a pas vraiment la cote. Dans ce polar lancé à 100 à l’heure, des flics de la Bac nord flirtent avec la légalité pour déjouer un trafic de drogue mais l’essentiel n’est pas là. Jimenez plonge dans les quartiers chauds, le deal, les indic, les jogging Adidas et les flics en short et en grosse bagnoles. Apres «La French», on ne va plus apprendre à son réalisateur à livrer un polar haletant et un cinéma hargneux (la scène du gosse chantant dans la voiture de flics, moment suspendu qu’il fallait oser faire durer), même si dans sa première partie, le récit haché, le montage speedé flirtent parfois avec la saturation auditive et rétinienne. Passé cette première partie, le film prend enfin son envol lorsque le trio de flic se retrouve face à ses choix, derrière les barreaux. En retournant les codes et en osant le drame intime, Jimenez offre une vraie chair à son film, porté par l’intensité et la richesse d’acteurs comme Gilles Lellouche ou Karim Leklou. Au final, un film à la maîtrise indéniable et intelligemment populaire.