Un beau film, simple, plein de force et de tendresse. Riche d'une fraternité dont on sent immédiatement qu'elle est sincère. Un film qui ressemble à son actrice principale, la grande Yolande Moreau. Profitons-en pour dire que le jeune comédien qui joue le rôle de Nassim, Khaled Alouach, est formidable lui aussi.
La tendresse, elle est là dès les premières images. Entre Nassim et sa mère, c’est une complicité un peu envahissante ; de celles des familles cabossées qui ont appris à se serrer les coudes pour avancer en dépit des vents mauvais ; de celles des mamans qui n’ont pas vu grandir leur petit garçon et qui s’accrochent à un baiser, une étreinte comme à une bouée. Nassim a 16 ans et il a les deux pieds dans la vie. Il est élève dans un bon lycée parisien et ça marche plutôt bien pour lui, avec sa bande de copains et puis les sorties et les flirts, discrets et encore maladroits. En dépit d’un quotidien pas facile à vivre, Nassim s’est construit une armure et affronte la vie avec la belle énergie de sa jeunesse. Il vit seul avec sa mère, une femme fanée dont on pressent bien, derrière le regard noir, l’absence d’étincelles.
Ce ne sera pas un secret et ça arrive très vite dans le récit, alors on peut l’écrire : la mère de Nassim va mourir. Son repère fondamental disparaît, son monde s’effondre, apportant chagrin, questionnements et culpabilité. Nassim n’est pas encore majeur et aucun de ses parents, proche ou lointains, ne peut le prendre en charge. Lui le presque jeune homme déjà tellement indépendant, tellement dégourdi, va se retrouver dans un foyer, en grande banlieue. Mais Nassim va faire comme si de rien n'était, ne rien dire à ses amis ni à ses profs. Il va s’inventer un oncle à Paris, chez qui il habite désormais, et continuer sa vie au lycée, avec sa bande de copains, sa petite amie, ses sorties, ses soirées. Personne ne se doute que tous les soirs, il rentre au foyer.
Malgré la bienveillance de la directrice (Yolande Moreau, évidemment), à la fois ferme et douce, à l’écoute des pensionnaires mais stricte sur les règles, Nassim ne se fait pas à cette vie en collectivité. Ces jeunes, ces « cassos » parfois rudes, turbulents, agités, n’ont rien en commun avec lui, rien à faire dans son horizon, ils ne sont pas son monde et ne pourront jamais devenir ses amis… Mais les carapaces parfois se fissurent. Et sous celles des vrais durs, des grandes gueules, des filles faciles, des têtes de pioche, des gros bras se cachent des cœurs tendres qui n’ont eu ni la chance ni les bonnes personnes à leurs côtés mais qui restent debout, s’accrochant maladroitement les uns aux autres.
Nassim va devoir faire la route avec des compagnons qu’il n’a pas choisi, tout en essayant de conserver le lien fragile qui le rattache à sa vie de lycéen. Et cette tribu imparfaite va peu à peu, au gré des coups durs ou des petits bonheurs, l’aider à avancer, à dépasser ses peurs, son chagrin, bref à vivre, de toutes ses forces.