Cannes 2021 – Quinzaine des réalisateurs
Un homme amoureux
Yassine Qnia est venu au cinéma"grâce à des ateliers mis en place par l’Office municipal de la jeunesse d’Aubervilliers (l’Omja). Ce sont des ateliers sans prétention qui consistent à initier les jeunes de la ville aux métiers du cinéma en leur faisant réaliser un court métrage. C’est un dispositif intéressant puisque le plus méritant d’entre nous se voyait offrir une scolarité à l’École de création audiovisuelle (Eicar) grâce au partenariat entretenu avec l’Omja. Malheureusement, je n’aipas pu aller jusqu’au bout, ne pouvant abandonner mon travail de géomètre-topographe qui était et qui reste ma principale activité professionnelle. Mais j’ai continué le cinéma en parallèle, en réalisant plusieurs courts et, par la suite, ce premier long." Le rapprochement avec Why Not a eu lieu grâce à l’intermédiaire de Benjamin Delaroche, coproducteur du film, qui a proposé à Pascal Caucheteux de l’accompagner sur la production d’un premier long métrage. "Mon nom est ressorti car ils appréciaient mes courts métrages et il se trouvait que je n’avais pas de producteur à ce moment-là." Yassine Qnia développe le scénario avec Rosa Attab, rencontrée chez Why Not. "Cette rencontre a été déterminante pour moi car la première version du scénario que j’avais élaborée avait un traitement superficiel et attendu. Après une première lecture, Rosa a recentré le récit sur l’intimité d’un couple, son regard, et ses propositions m’ont permis de développer des séquences plus intimes et de travailler en profondeur des sujets que je ne me serais pas permis d’aborder avant notre collaboration. "Le tournage a eu lieu en grande partie à Aubervilliers, en novembre 2019, la postproduction s’étant achevée en octobre 2020.
Encore un premier film qui vient confirmer la vitalité réjouissante du jeune cinéma français. De bas étage est signé Yassine Qnia, géomètre de formation, repéré pour ses courts métrages, primés dans divers festivals. Il passe au long métrage avec un film solidement ancré dans le réalisme, remarquablement construit sur une observation lucide et sensible du milieu qu’il embrasse et sur une belle étude de personnages qui passe par un regard attentif et une mise en image sobre mais remarquablement maîtrisée pour un premier long.
Mehdi, spécialiste du perçage de coffres en bande organisée, arrive à la croisée des chemins. Ses activités s’avèrent tout juste payantes et semblent repousser plus que précipiter l’horizon d’une vie meilleure. À 30 ans, il vit toujours chez sa mère dans sa cité et n’a pas encore les moyens de s’installer avec Sarah, coiffeuse et mère de son enfant, qui lui tourne le dos tant qu’il persévère dans le braquage. Alors que tout l’invite à se ranger, Mehdi, indécrottable, ne parvient pas à raccrocher, persuadé qu’un gros coup l’attend.
Sous ses fausses allures de polar urbain, De bas étage cache en fait une « étude de cas », et si l’on gratte encore plus, le mélo, déguisé, d’une romance impossible. En effet, le film s’ouvre et se ferme sur deux longs regards silencieux, lancés par Mehdi depuis sa voiture à une Sarah qui lui échappe, entérinant la distance irrémédiable qui les sépare…
Une hypothèse s’impose : l’adrénaline du crime a plus d’attrait libidinal que la perspective d’une vie rangée avec la belle coiffeuse. Un choix se fait, par la force des choses. Et pendant ce temps, Qnia nous présente l’entourage de Mehdi comme une extension de lui-même : mère qui perd la boule, des partenaires qui le lâchent un à un, des gosses de rue perdus.