Le monde va mal : les poissons sont pratiquement éteints, les mers et les océans semblent des cimetières sous-marins. Tandis que les scientifiques du monde entier cherchent désespérément une solution à un problème devenu planétaire, Daniel Luxet, un biologiste français (formidablement interprété par Gustave Kervern) cherche à redonner aux poissons l’envie de copuler. Ironiquement, son travail tourne autour de la reproduction alors que lui-même est célibataire et obsédé par un désir de paternité qu’il n’arrive pas à satisfaire, se complaisant dans une solitude qui devient progressivement une prison. Un jour, de manière inattendue, quand il capture par hasard un poisson à la forme étrange ou pour le moins ambiguë qu’il va appeler Nietzsche, il rencontre Lucie (toujours surprenante India Hair), une jeune femme qui le pousse à affronter ses peurs et les absurdités de son existence. Cette rencontre fortuite va avoir une série de conséquences qui vont amener notre biologiste solitaire à comprendre ce qui lui manque vraiment et quelle est la voie inattendue vers un bonheur qu’il s’est peut-être toujours refusé.
Dans cette surprenante comédie romantique teintée d’ambiance apocalyptique, Olivier Babinet aborde le thème de l’écologie mais aussi – surtout – celui de la paternité et de la masculinité stéréotypée de manière vraiment surprenante. Avec humour et poésie, Poissonsexe (plus qu’un titre : une garantie) met en scène des personnages à fleur de peau, de magnifiques losers perdus dans un monde qu’ils ne comprennent plus, mais habités par une soif de tendresse qui les rend invincibles. Si le monde, en effet, se rapproche progressivement de l’abîme, Daniel et Lucie tentent de trouver dans l’amour une issue pour éviter la destruction.
Bien qu’il s’articule autour d’une histoire d’amour hétérosexuelle en même temps que délicieusement improbable, Poissonsexe évite les clichés liés à la procréation et à la soi-disant « masculinité ». Babinet met en effet en scène un personnage aux prises avec les absurdités d’une identité mâle construite socialement qui pousse à croire que le bonheur est l’apanage exclusif de ceux qui sont pères et des couples hétéro-normés « standard ». Daniel se rend compte progressivement de cette prison autour de lui, et qu’il mène un combat absurde vers une normalisation qui, au fond, ne lui procure pas le bonheur qu’il désire tant. Babinet semble vouloir nous ouvrir les yeux sur un monde « différent » qui déconstruit pour ensuite recréer, sans règles ou mieux avec des règles différentes, plus créatives et stimulantes.
La relation entre l’homme et l’animal est elle aussi remise en cause, analysée et mise en scène avec une dose salvatrice de fantaisie et de créativité. Daniel, chercheur et scientifique renommé, se laisse dépasser par un anthropomorphisme qui le conduit à interpréter à travers le filtre des sentiments humains les actions de son protégé, le poisson Nietzsche (qui appartient à l’espèce axolotl). Entre les deux se crée une relation d’amitié et d’entente qui va bien au-delà des différences d’espèce, un lien profond qui n’a pas besoin de mots pour s’exprimer. Poissonsexe nous fait comprendre que la disparition de l’espèce humaine entraînera avec elle la disparition d’une certaine beauté et d’une candeur impossible à combler. La diversité (sous quelque forme qu’elle se présente : sexuelle, genres, espèces) de la planète doit être gardée et valorisée parce que c’est elle qui transforme le monde en un lieu de rêve.