Fais de beaux rêves

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Turin, 1969.Massimo, un jeune garçon de neuf ans, perd sa mère dans des circonstances mystérieuses.Quelques jours après, son père le conduit auprès d’un prêtre qui lui explique qu’elle est désormais au Paradis. Massimo refuse d’accepter cette disparition brutale.Année 1990.Massimo est devenu un journaliste accompli, mais son passé le hante. Alors qu’il doit vendre l’appartement de ses parents, les blessures de son enfance tournent à l’obsession…

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QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2016 - FILM D'OUVERTURE

Accepter la douleur

Après Sangue del moi sangue , farce en forme de pied de nez sur la société italienne contemporaine, Marco  Bellocchio revient à un cinéma plus traditionnel sur un scénario coécrit avec Valia Santella et Edoardo Albinati d’après le roman de Massimo Gramellini (Éd.RobertLaffont). Récit autobiographique, son auteur ayant perdu sa propre mère à l’âge de neuf ans dans des circonstances restées longtemps obscures, Fais de beaux rêves a connu un énorme succès dès sa publication en Italie, devenant un phénomène en termes de ventes tout en suscitant les réactions passionnées de nombreux lecteurs. Le personnage principal, Massimo, est devenu un journaliste accompli, mais son passé le hante. Alors qu’il doit vendre l’appartement de ses parents, les blessures de son enfance vont tourner à l’obsession. “C’est surtout un film dans lequel Marco Bellocchio montre à quel point il sait aussi toucher les sentiments , analyse Édouard Waintrop. C’est un cinéaste intelligent et brillant. Mais on sait également, depuis Le sourire de ma mère et par certains côtés de Buongiorno, notte , qu’il sait dépasser de façon très simple ce brio et cette intelligence. Il nous livre ici un grand film bouleversant.” Fais de beaux rêves est interprété notamment par Bérénice Bejo et Valerio Mastrandrea qui joue également dans Fiore de Claudio Giovannesi. Un film au ton radicalement différent de celui de Bellocchio et qui, avec Folles de joie de Paolo Virzì, constitue la triplette italienne de cette 48e  Quinzaine.

"Belphégor"

Turin, années 1960. Massimo a neuf ans et sa mère remplit sa vie d’une joie immense. Une mère aimante, dansante, enjouée, fascinée par Belphégor, (oui, l'héroïne du feuilleton populaire du temps de l'ORTF incarnée par Juliette Greco). Mais c’est aussi une mère qui semble parfois absente, lointaine, comme perdue dans son monde, recluse entre les murs qu'elle dresse elle-même autour d'elle. Une mère qui passe du rire le plus naturel à la gravité la plus insondable, sans prévenir. Massimo l'aime inconditionnellement, cette mère, comme elle est : privilège des enfants d’aimer sans réserve. Mais au matin d'une nuit pas comme les autres, agitée, décousue, Massimo se réveille et sa mère a disparu, partie comme une étoile filante. Son départ laisse évidemment un vide abyssal, que rien ni personne ne peut combler.
À cette époque (mais est-ce si différent aujourd'hui ?), on croit encore qu’il est préférable de ne pas tout dire aux enfants, qu’ils ne peuvent pas comprendre, que le secret voire le mensonge sont préférables à la douloureuse vérité. Et Massimo ne saura rien ou presque de ce qui est arrivé à sa mère. On lui dit qu'elle est à l'hôpital, mais qu'il ne peut la voir. Puis elle meurt, et il doit croire qu'elle est là, dans le cercueil juste devant lui. Mais non, ce n'est pas possible, sa mère n'est pas dans cette boîte, elle ne peut pas le laisser. Elle ne peut pas avoir demandé à rejoindre Dieu pour mieux veiller sur lui comme le prétend le prêtre chargé de le calmer. Il n'y croit pas. Alors pour accepter l'inacceptable il va chercher de l'aide auprès de leur amie Belphégor…
Avec une extrême délicatesse, Marco Bellochio filme Massimo à plusieurs âges de sa vie, jusqu'à la quarantaine. Nous sommes avec lui, parfois aussi perdus que lui, dans ce monde où les enfants ne sont informés que par des bribes de conversations volées aux adultes. Nous sommes encore avec lui quand, adolescent, il se fabrique une carapace en mentant aux autres et un peu à lui-même. Mais, tant bien que mal, il trace sa vie. Ainsi, grandi avec le stade de l'équipe du Torino juste sous ses fenêtres, il sera d'abord journaliste sportif, puis il deviendra reporter de guerre. Une profession où il parle des autres pour mieux se cacher encore. Mais sa fêlure intérieure ne lui permet jamais d'être véritablement relié au monde.
La caméra virtuose de Bellochio donne à ce drame intimiste une réelle ampleur, notamment par la beauté des plans et par l'ambiance si juste qui parcourt tout le film. Le réalisateur ne choisit pas une narration linéaire, et ce choix n'est pas gratuit. Les allers-retours entre les différentes périodes évoquées de la vie de Massimo nous permettent de découvrir en même temps que notre héros les vérités de cette histoire personnelle, à la fois assez banale et pourtant tellement particulière. Il y a une vraie construction, un montage réfléchi et intelligent dans ce film où rien ne semble laissé au hasard.