Youhou ! Voilà le retour du cinéaste d'animation le plus cinglé, le plus indépendant, le plus délibérément américain que le monde des petits bonshommes qui bougent ait jamais connu, j'ai nommé Bill Plympton, grâce auquel on ne voit pas le temps passer. Son cinéma nous paraît tellement drôle, tellement enlevé, tellement libre qu'on n'arrive pas à croire que le bougre a déjà sept décennies et quarante ans de carrière ! Cette fois le jeune Plympton s'est acoquiné avec un gamin surdoué de 45 ans, Jim Lujan, et ce duo d'enfer nous offre un vrai festival pétaradant de pépées incendiaires aux formes exagérément protubérantes, de méchants caricaturaux, de sales gueules invraisemblables tout droit sorties de pénitenciers réservés aux serial killers, d'adeptes frappadingues de sectes millénaristes, de courses poursuites dans le désert… Un vrai condensé de l'Amérique malade qui a élu Trump.
Au centre de La Vengeresse, il y a d'ailleurs un personnage parfaitement trumpien, entre spectacle, politique, corruption, violence et mafia. Le Sénateur Death Face est un ancien catcheur, ancien leader d'un groupe de hells angels qui lui servent toujours de garde rapprochée. Il a, grâce à l'argent et à une politique clientéliste parfaitement assumée, grimpé l'échelle sociale jusqu'à se faire élire au Sénat, entretenant son électorat à coups de shows démagos. Ce colosse brutal et borné n'aime pas qu'on lui résiste et quand une jeune donzelle solitaire lui dérobe un objet qui pourrait s'avérer compromettant, il lance à sa poursuite un quatuor de détectives qui ont carte blanche pour récupérer l'objet du délit et lui ramener la voleuse, morte ou vive. Chacun des chasseurs de prime est évidemment en concurrence féroce avec les autres, après tout on est aux States, pays où le capitalisme est sauvage et tous les coups permis. Dans la bande des quatre, il y a en particulier un petit bonhomme qui ne ressemble à rien, chauve, rabougri, affublé d'une maman à chats possessive qui dirige l'agence en son absence et qui a pourtant un talent inégalé pour maitriser les criminels en fuite.
Sous le soleil de plomb californien, entre motels miteux et bars de bikers poisseux, Plympton et Lujan créent un univers qui n'a rien à envier à celui d'un Tarantino. Dans cette histoire de jeune fille bien décidée à se venger seule de beaucoup plus fort qu'elle, on pense forcément à l'inoubliable Uma Thurman de Kill Bill, dézinguant à tout va les méchants au bout de son sabre… On sait que Tarantino est un grand fan de Bill Plympton (dans Kill Bill déjà cité, un des personnages porte son patronyme) et Plympton le lui rend bien. Scénario enlevé et sans doute plus élaboré que dans les films précédents (un des apports de Lujan), dessin extravagant et agressif, couleurs franches, séquences burlesques d'une drôlerie décapante, Plympton et Lujan nous embarquent à fond de train dans un road movie furieux et dressent le portrait acide et jubilatoire d'une Amérique bien malade à laquelle ils administrent un remède de cheval.