« Pourquoi ont-ils fait ça ? Que leur manquait-il ? » Par définition la jeunesse est fougueuse, voire révoltée. On le serait à moins dans un pays où les disques des Beatles ne peuvent s'acheter qu'au marché noir car jugés trop subversifs. Imaginez vous quelles folles idées pourraient naître dans l'esprit de ces oisillons en écoutant les paroles des Fab Four, empruntes de liberté ? Sait-on jamais, s'ils en venaient à en rêver pour eux, de cette liberté ! Celle de se baigner dans la mer à n'importe quel moment de le journée ou de la nuit, de parler, de penser, d'aimer, de contester – et même de prier (oui, à genoux, dans une église…). À l'affût de tous les signes d'un possible déviationnisme, le pouvoir géorgien s'évertue à les étouffer dans l'œuf, interdit, dresse, ordonne, condamne, muselle. Mais la jeunesse ne se satisfait pas de la muselière. Alors elle frappe fort.
Nous sommes à Tbilissi en 1983, et notre bande de jeunes gens décide de fuir l’oppression de l'Union soviétique en détournant un avion, rien de moins ! Ce thriller aux tons sépia, tiré d'un fait réel, est construit de manière simple et efficace. Les personnages nous sont peu à peu dévoilés. Fils et fille de bourgeois, ils rêvent d'un ailleurs qu'ils s'imaginent mieux leur correspondre : l'Ouest. Ils ne semblent pourtant pas être militants ou revendicatifs, encore moins activistes. On dit d'eux qu'ils sont artistes et peut-être alors plus difficiles à dompter que les autres. Leur soif de liberté va les mener à se procurer des armes mais pas vraiment à apprendre à s'en servir… Un plan simple monté entre copains comme on prépare des vacances.
Nika a envie de donner vie au rêve de son père, quitter le territoire, ce dernier ayant choisi de se cacher aux yeux du monde. « Je suis enfermé entre quatre murs mais je suis libre » répondra-t-il a la proposition de son fils. Ce jeune homme à la gueule d'amour forme un couple angélique avec une petite blonde aux cheveux courts, Ana. Placée au centre de ce thriller, leur histoire d'amour ne semble pas vraiment pouvoir se développer. Persuadés qu'ils sont que leur vie est ailleurs. Même leur mariage semble teinté de fausseté. Il est relégué au rang de prétexte puisqu'il leur permet de justifier un voyage jusqu'à Batoumi, en avion, entre amis. Alors que c'est un moment qui est censé être joyeux, une tension intense règne. La dernière soirée d'une vie « normale ». Même la danse manque d’insouciance et d'enthousiasme, les regards sont préoccupés, comme si ils savaient déjà à quoi s'attendre. Le futur se lit dans leurs yeux.
Bien sûr, rien ne va se passer comme rêvé. Le costume qu'ils se sont choisis n'est décidément pas à leur taille. Plus de monde que prévu dans l'avion, plan de vol changé, les intempéries et la non-préparation de ces pirates de l'air novices auront raison de leur soif de liberté. Une prise d'otages, de toute évidence ça ne s'improvise pas et c'est à leurs dépens qu'ils vont l'apprendre.
Le réalisateur réussit à merveille les changements de rythme qui nous emportent avec les personnages dans cette atmosphère où se côtoient excitation et peur. Il arrive à faire monter la pression de telle manière que l'on a du mal à rester stoïque sur notre fauteuil. On ne sait par où, mais on sent venir le dérapage – et même si l'on connait déjà l'issue, on a envie d'y croire, on a envie de voir ces jeunes atteindre le bonheur qu'ils se sont choisi.