C’est une histoire presque banale, l’histoire d’une jeune femme enceinte pour la première fois. Belle, radieuse, en pleine forme, Diane attend un enfant et ces premiers mois sont tout ce qu’il y a de plus ordinaires : la fatigue qui vous tombe dessus sans prévenir, les matins nauséeux, l’envie irrépressible d'une bière alors que la faculté vous l’a formellement interdit, et puis l’énergie un peu euphorisante que procure immanquablement cette grande révolution intérieure. D'ailleurs, Diane, au lieu de se reposer tranquillement, a décidé de retaper la maison de famille laissée en désamour. Casser quelques murs à grands coups de pioche : rien de tel pour vous donner la pêche. Et comme il est dit dans le titre du film, Diane a les épaules : assez larges pour porter un bébé, casser des murs, filer sa vie toute seule comme une grande…
C’est une histoire presque banale, à un petit détail près : Diane porte un enfant qui n’est pas vraiment le sien puisqu'il est le fruit improbable mais pourtant bien concret de l’amour entre Thomas et Jacques, ses meilleurs amis. Ecrite comme ça, comme une évidence, la situation est assez simple et c’est bien ainsi que la vivent les trois protagonistes de cette grossesse. Les deux papas suivent avec bienveillance le ventre de Diane qui s’arrondit, s’inquiètent et paniquent comme tous les futurs pères et y vont de leur petite analyse, de leur petit conseil comme il est d’usage de le faire face à cet état au féminin que l’on a parfois tendance à assimiler à une pathologie.
Mais Diane, plus que quiconque sans doute, parce qu’elle n’aime pas trop se poser de questions, parce qu’elle n’a ni port d’attache, ni mari, ni amant, ni marin à aimer, vit tout à fait sereinement cet état des choses qui pose finalement bien plus de problème aux autres et à la société qu’aux principaux concernés. Diane vit, Diane rit, Diane dort, Diane fait de la démolition, Diane s’arrondit à vue d’œil, mais jamais Diane ne doute, jamais Diane ne regrette, jamais Diane ne se trouble quant à cette grossesse hors cadre qui est juste un état de fait qu'elle a choisi et qu'elle assume, par amour pour ses amis, par générosité sans doute, par insouciance aussi. Mais va arriver la chose que personne n'avait prévue. Il est électricien et doit faire des travaux dans la maison. Il est aussi calme, posé, discret que Diane est pétillante, exubérante, agitée. Entre eux deux l'étincelle prend immédiatement et très vite, Diane doit dire tout de son état…
Thomas et Jacques ne peuvent alors que suivre le mouvement car après tout, Diane fait ce qu'elle veut de son corps et de son cœur et n'a de compte à rendre à personne sur sa vie amoureuse. Mais même avec la meilleure volonté du monde, même en étant une grande fille menant sa barque, il va lui devenir difficile de jongler avec trois mecs, un enfant qui prend de plus en plus de place et pas mal de questions sur comment tout cela va se goupiller. Une chose est sûre pourtant : l'enfant qui va naître ne manquera ni d'amour ni d'attention, quelle qu'en soit la source.
Diane a les épaules est un film solaire qui rayonne sous le charme de Clotilde Hesme. Elle incarne une Diane qui sait être tour à tour femme enfant un brin immature, puis jeune femme déterminée se moquant du regard des autres, mais portant toujours en elle avec panache et noblesse une droiture, une générosité que rien peut altérer. Sur un sujet éminemment casse-gueule mais ô combien d'actualité, il est rassurant de voir que ce regard de cinéaste sur la gestation pour autrui est naturellement bienveillant. Loin de tout manichéisme, de tout discours moralisateur, Diane a les épaules écarte d'un geste tendre tous les clichés et replace au cœur du débat les sentiments.