En liberté ! TP

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Yvonne jeune inspectrice de police, découvre que son mari, le capitaine Santi, héros local tombé au combat, n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou. Déterminée à réparer les torts commis par ce dernier, elle va croiser le chemin d’Antoine injustement incarcéré par Santi pendant huit longues années. Une rencontre inattendue et folle qui va dynamiter leurs vies à tous les deux.

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QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2018

Quintessence de la comédie à la française

Cette première sélection cannoise pour Pierre Salvadori confirme, s’il en était besoin, l’intérêt prononcé d’Edouard Waintrop envers la comédie populaire. Neuvième film du cinéaste, En liberté ! a été tourné durant l’hiver 2017 dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France sur un scénario écrit par le réalisateur, Benoît Graffin et Benjamin Charbit. Sur un argument somme toute fort classique, “une inspecteur de police qui se trouve être la veuve d’un flic considéré comme un héros, découvre fortuitement que ce dernier était le pire des ripoux”, le cinéaste réalise une œuvre qui promet de faire date. Elle a été produite à nouveau par Philippe Martin et David Thion pour Les Films  Pelléas (qui  accompagnent Pierre Salvadori depuis Cible émouvante en 2003), en coproduction avec France 2 Cinéma, CN6 Productions et les Films Chaocorp. Préacheté par Canal+ et Ciné+, le film a été notamment soutenu par la région Paca. Il sortira le 31 octobre sous la bannière de Memento Films.

Mais Dieu que ça fait du bien ! En liberté ! est LE film qui va tout à la fois ensoleiller durablement vos journées, vous réveiller les zygomatiques et vous réconcilier avec la comédie française. En vérité je vous le dis, avec Pierre Salvadori, qui signe là son neuvième film (oui, neuf films réalisés en 25 ans de métier, on ne peut pas dire qu'il bâcle les produits à la chaîne, le Pierrot), c'est comme une vivifiante bouffée d'air pur qui souffle sur notre cinéma fabriqué en France. C'est officiel : la comédie made in France n'est donc pas condamnée à la moche grassitude et à la beauferie décomplexée. Elle peut être élégante, vive, alerte et généreuse. Elle peut enthousiasmer et déclencher de francs éclats de rires sans nous prendre pour des quiches ni des jambons. Même, sans faire l'intello de service, on redécouvre que la comédie, si elle s'appuie nécessairement sur des ressorts comiques, des effets de surprise, sur l'efficacité de l'écriture et la précision de la mise en scène, peut également, sans que ce soit ni un gros mot ni un pensum, parier sur l'intelligence des spectateurs.
Chaque soir, pour l'endormir, Yvonne raconte à son fils les extraordinaires aventures du Capitaine Santi, son héros de papa. Super-flic, incorruptible, quasi-invincible, le capitaine Santi défait d'une main une cohorte de truands armés jusqu'aux dents tandis que, de l'autre et sans bouger les oreilles, il réduit à l'impuissance une ribambelle de musculeux dealers. Même en mauvaise posture, le Capitaine Santi se tire avec panache des pires situations, avec légèreté, avec humour. Dans les histoires d'Yvonne, le Capitaine Santi, c'est la force incarnée, la classe faite homme, une parfaite élégance doublée d'un si séduisant côté voyou. Il faut dire que dans la vraie vie, le Capitaine Santi est réellement devenu un héros. Flic d'exception bravement tombé au combat, statufié de bronze au cœur de la cité pour services rendus à la Ville, héros définitif dont la veuve, Yvonne, donc, fliquette elle-même, s'efforce de garder vivace le souvenir dans le cœur de leur enfant. Et chaque soir, le temps d'une histoire, le Capitaine Santi revit les épisodes un brin romancés et terrasse sans coup férir l'hydre du crime et de la corruption. Et le chérubin s'endort.
Ce qui est embêtant malgré tout, avec les contes pour enfants, c'est qu'ils cadrent rarement avec le réel. Et même lorsqu'on le tient précautionneusement à distance, même en mettant toute l'énergie du monde à ne pas voir ce qui devrait vous crever les yeux, le réel finit immanquablement par vouloir jaillir hors du placard où on espérait bien qu'il finirait par se faire définitivement oublier. Au moment où on s'y attend le moins et avec des effets dévastateurs. Et c'est au hasard de l'interrogatoire plutôt anodin d'un suspect embarrassé impliqué dans une affaire pas bien méchante, qu'Yvonne met à jour la véritable nature de son héros de mari. Un secret de polichinelle pour ses proches, hors sa famille : le panache du défunt preux chevalier de la Maison Poulaga n'avait, dans la vraie (de vraie) vie, pas exactement la blancheur Persil. Pourri de chez pourri, plus corrompu qu'une armée de politiciens niçois dans un roman de Patrick Raynal, le « héros » s'est indûment enrichi, a pris du galon, s'est fabriqué une aura de justicier en faisant plonger au besoin des innocents pour masquer ses coups foireux. D'abord dévastée, puis enragée, Yvonne décide qu'il est de son devoir de réparer les méfaits de son compagnon défunt. Et de faire éclater au grand jour la vérité. Mais quelle vérité ?
Si on vous a brièvement planté le décor, raconté à la volée les premières minutes de l'intrigue, promis-juré, on n'en dira pas plus. Ce serait pécher. Emmené par une Adèle Haenel survoltée, dont on n'aurait jamais soupçonné l'abattage comique, le film déploie plusieurs pistes, tresse ensemble une comédie burlesque, une comédie policière, une comédie romantique, un pastiche de film d'action, et parvient au tour de force de n'en négliger aucun. Et cerise sur le gâteau, on se laisse entraîner de bon cœur dans ce tourbillon irrésistible, joyeux, sans jamais être dupe de la gravité qu'il enrobe. Comme dans toute comédie réussie, Pierre Salvadori habille en effet de légèreté et d'effets comiques des situations qui, racontées différemment, feraient pleurer Marc et Margot dans leurs chaumières. Des histoires de mensonges, de tromperies, de deuil, des secrets inracontables, des vies à (re)construire, le sens du mal et le pouvoir – peut-être – de l'amour. La galerie de personnages, génialement typés sans jamais être caricaturaux, porte ces questionnements, ces mal-êtres, ces espérances et ces désirs. Ils entourent la belle, l'incroyable Yvonne, l'accompagnent dans ses errances et l'emmènent vers l'improbable – ou l'impossible – résolution de son projet. Le plaisir des comédiens, de Adèle Haenel à Audrey Tautou en passant par Vincent Elbaz, Damien Bonnard et Pio Marmai, est communicatif. Pas une fausse note, pas une erreur de casting, ils nous embarquent sans coup férir dans l'univers grave et dingue de Pierre Salvadori – en liberté, totalement, merveilleusement.