Disparu ce jeudi 5 juillet à l'âge de 92 ans, Claude Lanzmann a consacré près de la moitié de sa vie au chef d'œuvre "Shoah" ainsi qu'à son travail de mémoire. Jusqu'à la veille de sa mort, il a continué à utiliser la matière monumentale collectée pour ce documentaire de plus neuf heures trente sorti en 1985.
Aujourd’hui 32 ans après "Shoah", "Les Quatre sœurs" est sorti en salle. Dans ce documentaire de 4h30, le défenseur de la cause d'Israël réunit les témoignages de quatre femmes juives: Ruth Elias, Paula Biren, Ada Lichtman et Hanna Marton. Elles ne sont pas sœurs. Tchèque, Polonaises et Hongroise, elles ont pour point commun le fait d'avoir survécu à l'extermination systématique des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale.
Les images de ce dernier Lanzmann (déjà diffusé sur Arte en janvier), sont essentiellement des entretiens en face à face tournés il y a plus de quarante ans. Ces séquences sont tirées des 220 heures de film qui restaient au réalisateur après "Shoah". Après douze ans de travail sur son œuvre majeure (12 ans de recherches documentaire, de recherche de témoins, survivants et bourreaux à l'international et des années de montage), Claude Lanzmann disposait de 350 heures de film tournées entre 1974 et 1981. "Shoah" fait plus de neuf heures mais la matière restante a donné cinq autres films.
1ère partie (2h22)
Le Serment d’Hippocrate (90 min)
Ruth Elias a 17 ans en mars 1939, quand les nazis occupent la Tchécoslovaquie. Sa famille se cache durant trois ans dans une ferme, avant d'être dénoncée et déportée au camp de Theresienstadt en avril 1942.
Pendant l’hiver 1943, Ruth découvre qu’elle est enceinte. Elle est envoyée à Auschwitz. En juin 1944, enceinte de 8 mois, elle réussit à entrer dans un groupe de 1000 femmes envoyées à Hambourg pour dégager les gravats d’une raffinerie bombardée.
La Puce joyeuse (52 min)
Le jour de l’invasion allemande de la Pologne, tous les hommes de Wieliczka, près de Cracovie, sont rassemblés par les Allemands dans une forêt voisine, et exécutés. Les corps couverts de sang sont disposés par leurs bourreaux en demi-cercle, pieds joints et têtes vers l’extérieur, comme une représentation artistique.
Dès lors, Ada n’a plus qu’une question en tête : non pas "vais-je survivre ?" mais "quelle sera ma mort ?". Envoyée à Sobibor, où plus de 250 000 Juifs furent exterminés dans les chambres à gaz, elle joue un rôle décisif dans la révolte du 14 octobre 1943. Elle fait partie des 50 survivants.
2ème partie (2h13)
Baluty (64min)
Il existe encore nombre d’archives, de journaux intimes et même quelques photos du ghetto de Lodz, mais très peu de témoignages de survivants. Celui de Paula Biren est d’autant plus exceptionnel qu’elle fit partie de la force de police féminine du ghetto. Des centaines de ghettos qui parsèment la campagne polonaise, celui de Lodz fut le plus pérenne. Il était dirigé d’une main de fer par le président du conseil des anciens, Chaim Mordechai Rumkowski, appelé le "Roi Chaim", un homme convaincu qu’il pouvait sauver une partie de la communauté en les transformant en main d’œuvre au service des Allemands.
L’Arche de Noé (68 min)
En 1944, quand les nazis commencèrent à déporter les Juifs de Hongrie, Rudolf Kastner, qui présidait le comité de sauvetage, tenta de négocier avec Eichmann. Il proposa deux mille dollars par Juif, montant les prix jusqu’à ce que Eichmann préfère l’argent à la mort. Il fut conclu qu’un transport spécial quitterait Budapest pour Bergen-Belsen, puis continuerait vers la Suisse. Hanna Marton en fit partie.
1684 Juifs échappèrent ainsi à la mort. Au même moment, 450 000 Juifs hongrois mouraient dans les chambres à gaz de Birkenau.
Il y a fort à parier que d’autres témoignages suivront, tant le matériau de Shoah, soit plus de 300 heures de rushes, reste encore dans les tiroirs