On ne saura jamais vraiment ce qui se cache derrière ce titre évocateur d’une célèbre collection de romans noirs. L’idée peut-être d’un cheminement sinueux, d’une enquête tortueuse et insaisissable comme l’eau qui coule. Ou bien l’appel du vide, du mystère et finalement de l’oubli quand le courant emporte tout dans son étreinte funeste. Noir, assurément, comme le polar dont ce film s’inspire librement. Noir comme ce personnage de flic qui coche toutes les cases (un peu trop de cases, jugeront sans doute certains) du parfait héros de roman policier : solitaire, dépressif, le cheveu triste et l’imper improbable, porté sur le mauvais whisky et les jurons sans esprit, mais doté d’une intuition qui n’a d’égale que son dévouement obsessionnel aux enquêtes qui lui sont confiées. C’est Vincent Cassel qui offre à l’inspecteur François Visconti sa gouaille usée et sa sale humeur, ses airs de vieux matou mouillé et cette démarche désarticulée qui dit mieux qu’une analyse les désillusions de toute une vie. Pour ne rien arranger à sa situation déjà pas brillante, Visconti cuve mal un abandon amoureux et se retrouve, au moment où l’on fait sa connaissance, empêtré dans une relation compliquée avec son fils qui empile conneries sur conneries, histoire de faire sentir à son flic de père qu’il a tout raté avec lui.
Quand on lui signale la disparition du jeune Dany Arnault, l’inspecteur Visconti va rapidement s’intéresser au comportement de Yan Bellaile, professeur de français et voisin du dessus qui a bien connu l’adolescent pour lui avoir donné des cours particuliers. Est-ce son ton professoral et poli, ses manières obséquieuses, ses petits pulls jacquard qui sentent l’assouplissant ou son intérêt un peu trop manifeste pour l’enquête ? Rien de bien précis, mais quelque chose lui dit que ce type est louche. Il est en certain : il lui cache des informations. Effondrée par la disparition de son enfant dont elle jure qu’elle était extrêmement proche, la mère (Sandrine Kiberlain, toujours parfaite) ne peut se résoudre à une simple fugue, comme tous semblent le croire. Pour elle, son fils a été enlevé et chaque minute qui passe est un poids de plomb dans son cœur.
Une battue est organisée dans la forêt toute proche, recherche à laquelle Yan Bellaile participe ardemment… et François s’enfonce un peu plus le long du fleuve noir de l’enquête qui piétine. Il fouille, cherche, épie, guette, boit plus que de raison et cherche à savoir la vérité comme si son sort en dépendait. Peut-être parce que quelque chose dans cette famille, le lien, l’attachement, les imperceptibles traces de l’amour filial, lui rappelle qu’il n’a pas su créer tout cela avec les siens. Pendant ce temps, le professeur de lettres s’isole d’un quotidien morne et répétitif, rythmé par les repas de son jeune enfant, pour s’évader dans l’écriture. C’est que l’enseignant se veut écrivain et qu’il a pour lui-même de très grands projets…
Il ne faudra pas, espérons-le, vous en dire plus pour vous donner envie de plonger dans les eaux troubles d’une histoire habilement racontée qui nous tient en haleine sans fausse note ni pas de travers, comme seuls les bons polars savent le faire et comme le roman Une disparition inquiétante y parvenait si bien. Face à un trio vedette irréprochable, les seconds rôles (Charles Berling, Hafsia Herzi, Jérôme Pouly) s’imposent avec justesse et le film renoue brillamment avec le thriller policier. À savourer sans attendre dans une petite cure de genre, entre Paul Sanchez est revenu ! et The Guilty. Le noir se porte bien aussi en été.