Girl TP

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Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d¹absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon.

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CANNES 2018: UN CERTAIN REGARD

Le sexe d’un ange

Le réalisateur flamand Lukas Dhont s’est fait connaître grâce aux courts métrages Corps perdu (2012), Huid von Glas et L’infini (2014). Il s’attache  dans son premier long au dilemme existentiel auquel se trouve soumis  une adolescente. Le réalisateur a écrit le scénario avec Angelo Tijssens, développé dans le cadre de la résidence de la Cinéfondation, des ateliers du festival Premiers Plans d’Angers et de Sources 2, remportant les prix de CONNeXT à Gand et du Festival de cinéma européen des Arcs. Son producteur, Dirk Impens, a initié des projets tels que Daens(1992) de Stijn Coninx, Je pense à vous des frères Dardenne, La merditude des choses (2009) et Alabama Monroe (2012) de Felix van Groeningen. “Le premier traitement de Girl a été écrit en 2014, explique Lukas Dhont. L’idée me trottait dans la tête depuis début 2009, lorsque j’ai lu un article sur une jeune fille née dans un corps de garçon qui rêvait de devenir danseuse étoile. Or, ce sujet contenait tous les thèmes qui m’intéressent : l’identité, le genre, l’adolescence, le corps. Dès lors a débuté un périple de quatre années dont l’étape la plus mémorable s’est déroulée à la fin du casting. Nous cherchions l’interprète du rôle principal, Lara, 15 ans, depuis plus d’un an et nous étions au bord du désespoir lorsque le jeune Victor s’est présenté. Ce soir-là, je suis rentré chez  moi dans un état proche de l’euphorie. C’est finalement à l’été 2017 que nous avons entrepris les deux mois de tournage. Le film est une coproduction entre la Belgique et les Pays-Bas, ce qui explique que toute la postproduction se soit déroulée à Amsterdam. La bande originale a été enregistrée en France par un jeune compositeur, Valentin Hadjadj, et la chorégraphie du film a été conçue par Sidi Larbi Cherkaoui.”

C'est un premier film magistral qui voit l'avènement d'un grand cinéaste et d'un grand acteur qui est tout autant une grande actrice. Le divin Victor Polster qui incarne Lara (et en a l'âge) est avant tout danseur mais ce serait vraiment dommage pour le cinéma s'il cessait de tourner…
Rigueur, ténacité, féminité, témérité… autant de qualités que Lara doit cultiver pour atteindre son inaccessible rêve : devenir danseuse étoile ! Il lui faudra même plus encore : le goût du sacrifice. Pourtant Lara, la douce, la studieuse, la gracieuse Lara, du haut de ses 15 ans, a déjà tout pour devenir une superbe jeune femme sauf… un petit appendice superflu entre les jambes, qui l’a faite garçon dans son corps alors qu’elle se sait fille dans sa tête, un grain de sable qui enraye ses projets de vie et qu’elle doit éradiquer. C’est un véritable parcours de la combattante qu’elle mène avec acharnement, faisant fi des obstacles, obstinément, se moquant des moqueries, essayant d’ignorer les regards qui la toisent. Lara force notre respect. Sa famille aussi d’ailleurs : tous s’arc-boutent la tête haute pour défendre cette fille pas tout à fait comme les autres, l’épaulant sans faiblir dans l’adversité, en particulier son père Mathias (Arieh Worthalter, exceptionnel). Admirable en tous points, il s’efforce de ne pas céder aux angoisses légitimes qui le transpercent parfois devant le choix définitif de son enfant, faisant taire sa peur face à l’opération irréversible qui sonnera le glas d’un possible retour en arrière. Peut-être aura-t-il fallu du temps à Mathias pour comprendre, accepter mais si le doute l’assaille, jamais il ne le fait peser sur les jeunes épaules de Lara, ni n’essaie de la convaincre. Mû par une confiance absolue en sa progéniture, il incarne à lui seul cet amour inconditionnel qui choisi d’accompagner plutôt que de gouverner.
Plongés dans l’intimité de la petite famille monoparentale, nous sommes bluffés par tant d’ouverture d’esprit, de tolérance, même si elles ne font pas tout, même si Lara ne mesure pas toujours la chance qu’elle a d’être tombée dans un foyer capable d’une telle qualité d’écoute. Même Milo, son cadet, qui n’a pourtant pas encore l’âge de raison, semble accepter sans broncher que son grand frère soit en définitive une grande sœur. Il apparaît comme une évidence que Lara est celle qui apporte le supplément d’âme féminine qui manquait à la maisonnée. Les câlins du soir qu’elle prodigue à son petit frère ont une saveur maternelle rassurante dans laquelle il peut s’endormir réconforté, sans craindre le loup qui rôde dans les bois sombres des contes. 
Alors que sonne l’heure d’une nouvelle rentrée scolaire, c’est un nouveau départ qui s’annonce. Lara, qui vient d’être acceptée (à l’essai) dans une des plus prestigieuse école de danse de Belgique, est dans les starting-blocks. Elle a huit semaines pour démontrer à l’établissement qu’elle pourra se mettre au niveau des autres ballerines qui ont démarré la danse classique bien plus jeunes. Lara piaffe également d’impatience face aux effets du traitement hormonal qui tardent à être flagrants. Chaque jour elle guette les métamorphoses de son corps trop grand qu’elle s’apprête à torturer pour qu’il rentre dans le moule de ses désirs. Avec un acharnement violent, voilà notre donzelle qui s’escrime à faire des pirouettes ambitieuses, refuse de voir le monde autrement qu’à hauteur de pointes…Tandis que son entourage suit comme il peut…
Jamais film ne fut si proche d’un corps adolescent en pleine mutation, de sa réalité. Il imprègne jusqu’à nos chairs de son mal-être intégral mais surtout de sa fougue impérieuse à vouloir corriger certaines erreurs de la nature, quel qu'en soit le prix à payer. C'est très beau, c'est très fort et particulièrement émouvant. Un premier film en tous points remarquable, décidément.