Il était une fois le nouveau film d'Anne Fontaine… cinéaste prolixe et en perpétuel mouvement dont on peut ne pas apprécier toutes les tentatives mais à qui, au grand jamais, on ne pourra reprocher de « faire du Anne Fontaine » tant son cinéma se réinvente à chaque fois. Prenant souvent comme matière première la littérature (Perfect mothers s'inspirait d'un roman de Doris Lessing et son récent Marvin ou la belle éducation de celui d'Edouard Louis), ses sujets sont multiples et contrastés et bien malin celle ou celui qui pourrait y pister le trace d'un plus petit dénominateur commun… Le désir, peut-être, si je voulais faire ici le malin.
Il ne vous aura sans doute pas échappé que le titre de ce nouveau film ressemble à s'y méprendre à celui d'un célèbre conte des frères Grimm où il est question d'un miroir, d'une pomme empoisonnée, d'une belle-mère auto-centrée, d'une jeunette belle comme le jour, sans oublier, il va sans dire, d'un certain nombre de nains. Bien entendu, cette proximité de titre ne doit rien au hasard…
Il était donc une fois… dans une région paisible baignée de soleil, une jeune femme belle et discrète dont la vie s'écoulait un peu tristement depuis le décès de ses parents. Elle travaillait dans un hôtel-spa qui devait avoir de très bons avis sur les sites internet où les gens se sentent obligés de le donner (leur avis) tant le service était soigné, la piscine d'un bleu lagon profond et la maîtresse des lieux tout entière dévouée à maintenir le standing de l'établissement. La taulière en question n'était autre que la belle-mère de Claire, toujours tirée à quatre épingles, de son tailleur rouge sang à son visage diaphane, qui chérissait cette enfant qu'elle considérait comme sa propre fille, enfin c'est ce qu'elle lui disait en caressant la peau de pêche de ses joues faites pour les bisous. Car en coulisses, elle bouillonnait, elle enrageait devant tant de beauté et de jeunesse. Car de son côté, elle avait beau mettre du carmin sur ses lèvres, le temps avait déjà fait son œuvre et rien ne pouvait désormais l'arrêter, à moins que… « miroir, mon beau miroir »…
Variation extrêmement jubilatoire et ludique autour de ce conte fascinant et cruel qui est à lui seul un condensé des rapports humains : convoitise, jalousie, bienveillance, admiration, férocité, haine… Blanche comme neige se voit comme un conte justement, ou ne se voit pas. Il faut se laisser faire, entrer dans la beauté d'une mise en scène léchée comme rarement dans le cinéma français, et se lover au creux d'un récit qui déborde d'humour et d'esprit. C'est comme le plaisir d'un jeu de piste dont on connait l'issue, mais pas le chemin pour y parvenir.
Il faut enfin parler de Claire (merveilleuse Lou de Laâge) qui incarne, certes, la beauté, la jeunesse, mais surtout – et c'est là que le film se désolidarise magnifiquement du conte – une puissante incarnation de la jouissance au féminin, libre et parfaitement assumée, aussi charnelle que sentimentale et spirituelle. Face à elle, les hommes (vous pouvez les compter, ils sont bien 7) sont hésitants, troublés, démunis, éblouis et redeviennent des petits enfants (des nains, quoi). C'est ainsi que Blanche comme neige est un film résolument et joyeusement féministe, célébrant la puissance infinie du féminin singulier.