Un monde

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Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d’enfant, dans le monde de l’école.
  • Titre original : Un monde
  • Fiche mise à jour le 13/01/2022
  • Année de production : 2021
  • Réalisé par : Laura Wandel
  • Acteurs principaux : Karim Leklou, Lena Girard Voss, Günter Duret
  • Date de sortie : 26 janvier 2022
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France : Tandem
  • Distributeur international : Indie Sales
  • Durée : 72 minutes
  • Origine(s) : Belgique
  • Genre(s) : Drame
  • Pellicule : non renseigné
  • Format de projection : non renseigné
  • Format son : non renseigné
  • Visa d'exploitation : non renseigné
  • Indice Bdfci :
    65%

Vos commentaires et critiques :

Bien qu’inspiré de faits réels, d’une histoire vraie toute fraîche, ce magnifique Arthur Rambo – nouvelle réussite majeure d’un Laurent Cantet qui est décidément l’un de nos cinéastes essentiels – est en quelque sorte une relecture de Jekyll et Hyde au temps d’internet – des jeux de séduction, du désamour et du hasard qui se tricotent sur les réseaux sociaux. Miroir déformant, miroir aux alouettes de la célébrité aussi vite acquise qu’immédiatement retirée, c’est la caisse de résonance parfaite, l’amplificateur instantané des pauvres passions humaines, du narcissisme, qui amplifie et accélère les emballements, les sanctifications, les mises au pilori, plus vite que la lumière. Bienheureux ceux qui naviguent à l’écart de ces mers numériques agitées, dans les remous desquelles croisent évidemment de braves plaisanciers pacifiques, mais qui sont infestées de malveillants pirates et de trolls barbares aux intentions fort peu amicales. On peut s’y ébattre sans arrières-pensées, se croyant suffisamment aguerri pour y faire fortune en en déjouant les pièges, et y disparaître tout de même corps et biens, pris au piège du triangle des Bermudes (on aurait tout aussi bien pu tisser des liens métaphoriques avec la légende du brave Icare, dont les ailes fondirent en se rapprochant trop du soleil)…
Ainsi le destin de Karim D., jeune et brillant journaliste fer de lance d’un média « alternatif », qui informe avec précision et bienveillance sur les banlieues que les médias « traditionnels » s’efforcent de ne pas voir (ou de caricaturer à outrance quand ils daignent les évoquer). Beau gosse, intelligent, vif, écrivant juste et d’une rigueur politique irréprochable, passant bien à l’image, Karim D. est un « bon client » et une figure médiatique en pleine ascension. Le bouquin qu’il vient de publier, mi-témoignage familial, mi-pamphlet, doit le mettre durablement en orbite. Or, ce même soir de lancement chez son éditrice où Karim est intronisé dans le « beau » monde parisien, une avalanche de courts messages (maximum 280 caractères) signés « Arthur Rambo », tous plus crapuleux, teigneux, racistes, homophobes, antisémites, sexistes les uns que les autres, ressurgissent des tréfonds d’internet et déferlent sur les réseaux. Avec en prime cette révélation : « Arthur Rambo » n’est autre qu’un pseudonyme de Karim D.
En 2001, dans L’Emploi du temps, Laurent Cantet décortiquait la vertigineuse histoire de Jean-Claude Romand, ce faux médecin mythomane qui, acculé par l’engrenage de ses mensonges, assassina sa famille. D’une certaine façon, 20 ans plus tard, il remet sur le métier l’ouvrage. On reconnaît le mensonge, le secret, l’impossible empathie pour un individu dont les motivations échappent irrémédiablement à l’entendement – et sans doute au sien-même en premier lieu –, la mécanique irrépressible qui s’ensuit… Le personnage de Karim D. est directement inspiré par Mehdi Meklat, qui fit frémir il y a quelques années le cénacle politique, culturel et médiatique français. Jeune talent remarqué parmi les contributeurs du Bondy Blog, Mehdi Meklat, aka le bon docteur Jekyll, était la coqueluche de la presse culturelle, tenait une chronique régulière sur France Inter et signait avec son comparse Badroudine Saïd Abdallah un ouvrage choc, Burn out. La success story s’arrêta brutalement en 2017, quand on découvrit l’existence de son Mr Hyde maléfique, un certain Marcelin Deschamps, qui, des années durant, avait inondé les réseaux de tweets antisémites et homophobes. Pour Mehdi Meklat, au sommet de sa récente gloire, la descente aux enfers commençait.
Laurent Cantet ne refait pas un procès qui n’a pas eu lieu – sinon dans le tribunal médiatique qui n’aime rien tant que détruire ce qu’il a porté au pinacle. Il ne justifie, ni ne condamne. Il déroule factuellement le chemin de croix du jeune homme, désormais honni, qui va de cercle en cercle découvrir l’ampleur des dégâts, d’abord chez son éditeur, épouvanté, puis chez ceux qu’il croyait être ses nouveaux amis, enfin chez les gens du quartier qui l’ont vu grandir, jusqu’à sa propre famille. Le film s’avère une superbe et indispensable réflexion sur notre monde où la futilité tient lieu de conscience politique, où l’érosion du sens moral interroge fatalement le principe même de transgression. On en est encore tourneboulé. On ne saurait trop le recommander aux profs de lycées – aux autres de voir ce film essentiel en famille.

 


Bien qu’inspiré de faits réels, d’une histoire vraie toute fraîche, ce magnifique Arthur Rambo – nouvelle réussite majeure d’un Laurent Cantet qui est décidément l’un de nos cinéastes essentiels – est en quelque sorte une relecture de Jekyll et Hyde au temps d’internet – des jeux de séduction, du désamour et du hasard qui se tricotent sur les réseaux sociaux. Miroir déformant, miroir aux alouettes de la célébrité aussi vite acquise qu’immédiatement retirée, c’est la caisse de résonance parfaite, l’amplificateur instantané des pauvres passions humaines, du narcissisme, qui amplifie et accélère les emballements, les sanctifications, les mises au pilori, plus vite que la lumière. Bienheureux ceux qui naviguent à l’écart de ces mers numériques agitées, dans les remous desquelles croisent évidemment de braves plaisanciers pacifiques, mais qui sont infestées de malveillants pirates et de trolls barbares aux intentions fort peu amicales. On peut s’y ébattre sans arrières-pensées, se croyant suffisamment aguerri pour y faire fortune en en déjouant les pièges, et y disparaître tout de même corps et biens, pris au piège du triangle des Bermudes (on aurait tout aussi bien pu tisser des liens métaphoriques avec la légende du brave Icare, dont les ailes fondirent en se rapprochant trop du soleil)…
Ainsi le destin de Karim D., jeune et brillant journaliste fer de lance d’un média « alternatif », qui informe avec précision et bienveillance sur les banlieues que les médias « traditionnels » s’efforcent de ne pas voir (ou de caricaturer à outrance quand ils daignent les évoquer). Beau gosse, intelligent, vif, écrivant juste et d’une rigueur politique irréprochable, passant bien à l’image, Karim D. est un « bon client » et une figure médiatique en pleine ascension. Le bouquin qu’il vient de publier, mi-témoignage familial, mi-pamphlet, doit le mettre durablement en orbite. Or, ce même soir de lancement chez son éditrice où Karim est intronisé dans le « beau » monde parisien, une avalanche de courts messages (maximum 280 caractères) signés « Arthur Rambo », tous plus crapuleux, teigneux, racistes, homophobes, antisémites, sexistes les uns que les autres, ressurgissent des tréfonds d’internet et déferlent sur les réseaux. Avec en prime cette révélation : « Arthur Rambo » n’est autre qu’un pseudonyme de Karim D.
En 2001, dans L’Emploi du temps, Laurent Cantet décortiquait la vertigineuse histoire de Jean-Claude Romand, ce faux médecin mythomane qui, acculé par l’engrenage de ses mensonges, assassina sa famille. D’une certaine façon, 20 ans plus tard, il remet sur le métier l’ouvrage. On reconnaît le mensonge, le secret, l’impossible empathie pour un individu dont les motivations échappent irrémédiablement à l’entendement – et sans doute au sien-même en premier lieu –, la mécanique irrépressible qui s’ensuit… Le personnage de Karim D. est directement inspiré par Mehdi Meklat, qui fit frémir il y a quelques années le cénacle politique, culturel et médiatique français. Jeune talent remarqué parmi les contributeurs du Bondy Blog, Mehdi Meklat, aka le bon docteur Jekyll, était la coqueluche de la presse culturelle, tenait une chronique régulière sur France Inter et signait avec son comparse Badroudine Saïd Abdallah un ouvrage choc, Burn out. La success story s’arrêta brutalement en 2017, quand on découvrit l’existence de son Mr Hyde maléfique, un certain Marcelin Deschamps, qui, des années durant, avait inondé les réseaux de tweets antisémites et homophobes. Pour Mehdi Meklat, au sommet de sa récente gloire, la descente aux enfers commençait.
Laurent Cantet ne refait pas un procès qui n’a pas eu lieu – sinon dans le tribunal médiatique qui n’aime rien tant que détruire ce qu’il a porté au pinacle. Il ne justifie, ni ne condamne. Il déroule factuellement le chemin de croix du jeune homme, désormais honni, qui va de cercle en cercle découvrir l’ampleur des dégâts, d’abord chez son éditeur, épouvanté, puis chez ceux qu’il croyait être ses nouveaux amis, enfin chez les gens du quartier qui l’ont vu grandir, jusqu’à sa propre famille. Le film s’avère une superbe et indispensable réflexion sur notre monde où la futilité tient lieu de conscience politique, où l’érosion du sens moral interroge fatalement le principe même de transgression. On en est encore tourneboulé. On ne saurait trop le recommander aux profs de lycées – aux autres de voir ce film essentiel en famille.

 


Un monde… beau titre, mystérieux. Est-il question d’un monde à part, de celui que l’on se fait, de celui pour la bonne marche duquel il faut de tout ? C’est en tout cas une plongée dans le monde (merveilleux ?) de l’enfance, celle des jeunes héros, la nôtre aussi dont on retrouvera la trace, les sensations, les rires, les aigreurs. C’est, vous le verrez, une sacrée claque que l’on se prend, grâce à la justesse de ton, la façon de filmer à hauteur de mômes. Véritable immersion dans un univers, des sensations que l’on croyait à jamais enfouies ou oubliées. Ce grand petit film (1h15 !) questionne notre humanité, ses solidarités chaleureuses, ses errances, ses terribles enjeux de pouvoir, ses cruautés gratuites. Nos chérubins parfois forment meute ; l’enfant roi devient alors un loup pour l’enfant roi. Ceux et celles qui l’ont vu repenseront fatalement à Récréations, l’impressionnant film documentaire de Claire Simon : ces entre-deux où l’on « joue à être… », ces royaumes enfantins où la gouvernance des professeurs n’a plus guère droit de siège en attendant que sonne l’appel du retour en classe. Un hors-champ inaccessible au yeux des adultes où l’on expérimente qui on est, qui on veut-être plus tard, où l’on se confronte au regard des autres.
Pour Nora (Maya Vanderbeque, époustouflante petite actrice !), c’est l’heure de la Rentrée à la Grande École, qui mérite bien des lettres majuscules tant elle fut attendue. Moment charnière que chaque enfant vit différemment sans doute, mais toujours avec intensité et excitation, car on se voit rentrer dans la cour des grands, mais aussi appréhension, la boule au ventre de ne pas être à leur hauteur, d’être rejeté. Mais Nora a cette chance que tous n’ont pas, celle d’avoir son grand frère Abel (Günter Duret, ultra touchant et sensible) déjà dans la place et que son père a investi d’une mission chevaleresque : veiller sur sa cadette ! C’est normal, non ? Le rôle d’un garçon… Mais bien sûr, on sert rarement la même partition à ses copains et à son paternel. Une fois à l’école, le frangin protecteur et attentif à la maison se transforme aussi sec en froid personnage indifférent, intimant l’ordre à sa frangine de lui lâcher les basques et de se débrouiller toute seule. Est-ce si simple ?
On règle nos pas sur le pas déterminé de Nora, ses épaules tour-à-tour frêles et têtues, sa démarche volontaire, qui semble dire aux obstacles : attention, poussez-vous, je suis un bulldozer ! Elle sait tout autant être légère, séductrice à ses heures, que tête de mule au regard grave qui affronte la réalité avec une lucidité glaçante. Entre deux parties de rires, une récitation, elle observe, devine… Elle ne sera pas dupe longtemps et découvrira le secret de son frère : un secret d’enfant, un secret essentiel, suffisamment dur pour éveiller la révolte, suffisamment important pour le crier à la face des grands mais qu’Abel lui intimera l’ordre de ne pas trahir. Un secret qu’elle s’appliquera donc à garder pour elle, à boire jusqu’à la lie, regardant le quotidien qui se délite autour d’elle, désarmée.
C’est l’histoire d’une enfance qui perd son innocence, qui refuse d’être impuissante devant les injustices, prête à se battre au coude-à-coude pour conquérir l’estime de soi. Une histoire en définitive lumineuse malgré la brutalité de la vie. Mais nos tempéraments se forgent avec nos chutes, notre capacité à nous relever et à garder la tête haute. Impressionnant premier film qui a nécessité un énorme travail en amont avec les enfants et le résultat est enthousiasmant.