Comme tant d’autres jeunes Mexicains, Jesus aspire à une vie meilleure quand il embarque, avec son ami Rigo, dans un bus en direction des États-Unis, qui font toujours figure d’eldorado. Mais des mois plus tard, sa mère Magdalena, restée sans nouvelles de lui, est invitée par les autorités à admettre la tragique destinée que connaissent nombre de ces jeunes aspirants migrants : la mort, prétendument sous les coups des bandes criminelles qui terrorisent le pays. Pourtant, ne reconnaissant pas son fils sur les photos de cadavres qui lui sont présentées, Magdalena refuse de signer l’acte de décès et décide de se lancer à la recherche de Jesus.
Ce long métrage, le premier de la réalisatrice Fernanda Valadez, 39 ans, suit donc le périple à travers le Mexique de cette femme d’un milieu modeste, aussi humble qu’obstinée. Un road movie intense où la mère va croiser d’autres destins marqués comme le sien par ces affaires de disparitions, de tueries et de désir déçu de migration… qui font le Mexique actuel.
Magdalena va ainsi rencontrer une autre mère, bourgeoise, elle, venue reconnaître le cadavre de son fils qui lui aussi aspirait à passer la frontière – preuve, nous dit le film, que toutes les couches sociales sont concernées par ce phénomène. Elle va aussi croiser la route de Miguel, un jeune Mexicain expulsé des États-Unis après quatre ans de présence et qui retourne chez sa mère, mais aussi celle du diable, dans une scène éblouissante malgré une violence à peine soutenable.
Si les disparitions, enlèvements et meurtres qui gangrènent le Mexique sont des sujets souvent traités à l’écran, cette fiction se démarque d’abord par son scénario d’une grande maîtrise qui permet d’échapper au mélodrame, au manichéisme autant qu’à la complaisance morbide. Comment ? En tenant la ligne du thriller et du suspense. En montrant que la frontière entre victimes et bourreaux n’est pas une franche ligne de démarcation. Mais aussi en proposant des pauses presque méditatives, des respirations où le paysage naturel, filmé par une caméra toujours très proche de ses sujets, nous ramène sans cesse du côté de la vie.
Sans signe particulier – le titre renvoie à l’expression employée entre autres lors de l’examen d’un cadavre en vue d’identification – est un film souvent angoissant, douloureux parfois, mais jamais désespérant. Sans doute parce que la réalisatrice Fernanda Valadez et avec elle toute l’équipe de femmes qui se trouvent derrière ce projet (productrice, co-scénariste, directrice de la photographie, directrice artistique…) sont mexicaines, qu’elles aiment leur pays, qu’elles y sont attachées, qu’elles croient en son avenir.
Cela dit, leur « mexicanité » n’a pas rendu leur travail plus facile, elles ont même rencontré nombre d’obstacles au fil de leur projet. Mais cet ancrage donne à leur film une grande sensibilité qui permet l’empathie avec le destin de ces mères lancées à la recherche de leur enfant disparu, de ces jeunes hommes rêvant d’Amérique et de tous les autres s’efforçant de survivre chez eux.
Outre un témoignage très réaliste sur le Mexique, Sans signe particulier est un magnifique hommage au courage des Mexicains – et tout particulièrement des Mexicaines. Une preuve que même lorsque la violence et l’impunité règnent, l’espoir tient grâce à la résistance morale des individus et à la solidarité.