Julie (en 12 chapitres)

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Julie, bientôt 30 ans, n’arrive pas à se fixer dans la vie. Alors qu’elle pense avoir trouvé une certaine stabilité auprès d’Aksel, 45 ans, auteur à succès, elle rencontre le jeune et séduisant Eivind.

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Festival de Cannes 2021 : compétition

Quatre années de la vie d’une femme

Né au Danemark, mais enfant du sérail cinématographique norvégien, au sein duquel il a réalisé son premier long métrage, Nouvelle donne (2006), Joachim Trier est un auteur tel qu’aime à les défendre Memento, distributeur qui a fait de son deuxième film Osmo, 31 août – son remake du Feu follet sélectionné dans le cadre d’Un certain regard en 2011 – un succès inattendu (160000 entrées en France) et a initié par la suite en qualité de producteur Back Home (2015), déjà présenté en compétition, puis Thelma (2017) et distribue aujourd’hui Julie (en 12 chapitres). Cette chronique de quatre années de la vie d’une femme a pour interprète principale la comédienne Maria Grazia di Meo, vue notamment dans DU (2019) de Paul Tunge. Parmi ses partenaires : Anders Danielsen Lie, l’un des interprètes de prédilection de Joachim Trier (également en compétition dans Bergman Island de Mia Hansen-Løve).

 

 

« Le premier baiser… C’est le seul qui compte. Les autres, de plus en plus longs, de plus en plus anodins, ne donnent qu’un empâtement tiédasse, une abondance gâcheuse. Le dernier, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir… Mais le premier baiser ! » Pardon de détourner ces mots que Philippe Delerm dédiait à la bière, mais ils fonctionnent si bien pour évoquer les badinages amoureux et autres petits plaisirs minuscules dont Julie ne se prive guère. Non qu’elle soit volage ou sans scrupule. Tromper c’est mal, mais où cela commence-t-il ? Dans les actes ou dans les simples pensées ? Les bonnes résolutions sont parfois balayées par une petite voix qui souffle à l’oreille de qui veut l’entendre que la vie file trop vite et que les instants perdus ne reviendront plus. Alors, même si la promesse d’une chose est parfois meilleure que la chose elle-même, peut-être ne faut-il plus hésiter. Ou faut-il hésiter encore ? Entre les deux, Julie balance… Si c’était un métier, elle serait une très compétente « hésiteuse » professionnelle. Julie n’est rien d’autre qu’un jeune être qui se cherche et désespère de ne jamais se trouver, jamais trouver la voie idéale, l’amour parfait, ceux promis par le marché du travail et dans les contes d’enfance, mais cela existe-il en dehors des fantasmes ? Quand on la découvre la première fois, c’est dans une robe de vamp sur une terrasse qui surplombe la ville d’Oslo. Le plan d’après, elle aura tout d’une sage étudiante incertaine, quelques instants plus tard elle adoptera une posture de femme déterminée, pour ensuite se donner des airs d’artiste au dessus des contingences matérielles, alors que le récit avance sur des notes de jazz enjouées. Souffle une brise de comédie printanière, parsemée de quelques trouvailles osées qui nous transportent ailleurs, vers des lendemains qui pourraient bien chanter. Renate Reinsve, qui incarne Julie, est tout bonnement bluffante, une véritable comédienne caméléon qu’on peine presque à reconnaître d’un plan à l’autre tant elle se fond dans les humeurs de son personnage, nous donnant à percevoir ses moindres vibrations et états d’âme. Dieu que le temps parait court et lumineux en sa compagnie, empreint d’une fraîcheur toute libertaire ! Ces douze chapitres sont comme autant d’étapes initiatiques, de facettes de la versatile Julie que tous, même sa patiente mère, peinent à suivre…
Mais quand notre trentenaire rencontre Aksel, c’est l’amour véritable, inconditionnel qui lui tombe sur la poitrine et semble enfin la clouer dans une existence stabilisée. Il faut dire que l’homme, d’une quinzaine d’années son aîné, en plus d’être séduisant et attentionné, est au zénith de sa carrière, admiré comme auteur de BD. Sa notoriété éclaire la belle, la valorise. La complicité sans faille qui réunit ces deux-là réduit soudain à néant le moindre doute, à jamais ! Vraiment ? Tous les doutes, à jamais ? Ce serait compter sans l’intenable pression sociale qui donne envie de ruer dans les brancards, sans l’insoutenable légèreté des êtres et du hasard taquin qui fait parfois bien mal les choses, sans ces petits désirs coupables qui vous ravagent l’âme tant qu’ils ne sont pas assouvis…
Qu’on ne s’y trompe pas, le ton enjoué, romantique en diable, ne participe en rien d’une charmante bluette. Toutes les valses hésitations de Julie pourraient bien être les nôtres, et si l’action se situe à l’époque des portables et de l’hyper-connexion, questions et aspirations qui restent en suspens sont atemporelles, complexes et presque asexuées. Il parait que Flaubert n’a finalement jamais dit « Madame Bovary, c’est moi ! » Qu’à cela ne tienne, et n’hésitons pas, nous, à le dire bien haut : Julie, c’est nous !