Festival de Cannes 2021 : séance spéciale
Toxico Man
Formé à l’École supérieure de réalisation audiovisuelle (Esra), Maxime Roy s’est fait remarquer par ses courts métrages 1895 (2009), La beauté carnivore (2010), Sole mio (2019) et Des gens bien (2020). C’est avec son interprète principal François Creton, qu’il a écrit son premier long, Les héroïques, qui suit le combat d’un punk toxicomane confronté à ses démons et constitue le prolongement d’un court qu’ils avaient déjà écrit à deux, Beautiful Loser 2018), nommé aux César 2020. Il y a pour partenaire son propre fils Roméo Creton, Richard Bohringer, Ariane Ascaride, Clotilde Courau, Clara Ponsot et Patrick d’Assumçao. Le chef opérateur en est Balthazar Lab, dont ce n’est que le deuxième long après Nous sommes jeunes et nos jours sont longs (2017) de Léa Forest et Cosme Castro. Coproduit par le tandem Miléna Poylo-Gilles Sacuto et Alice Bloch-Robin, ce film vendu à l’étranger par Pyramide International sortira sous l’égide de Pyramide Distribution le 17 novembre.
Vu de l’extérieur, on a de bonnes raisons de croire que le Festival de Cannes, c’est surtout paillettes et bling bling. Mais on aurait grandement tort de penser que ce n’est que cela. Car ce Festival, aussi médiatique soit-il, c’est avant tout des films et les gens qui les font. Et pas forcément les films les films les plus prestigieux, pas forcément les gens les plus connus, pas forcément les stars. Ainsi cette année, parmi les découvertes les plus renversantes, il y eut un incroyable acteur qui n’a pas vraiment un physique de jeune premier. La cinquantaine fatiguée et la silhouette malingre noyée dans un perfecto trop grand, François Créton ressemblerait plutôt à ces héros du dessinateur culte des années 80, Frank Margerin, ces rockers à la gouaille acerbe et à la lose chevillée au destin.
François Créton est à l’origine du personnage de Michel, autour duquel est construit Les Héroïques, et s’il est aussi extraordinaire dans le rôle, c’est aussi peut être parce qu’il y a beaucoup de François dans Michel : sa relation plutôt difficile avec son père, ses addictions diverses qui le conduisent aux réunions d’addicts anonymes, son existence de semi marginal, dans un appartement en sous sol, et ses petits boulots de dépanneur de moto malgré son âge avancé. François Créton a montré au réalisateur Maxime Roy quelques cassettes enregistrées par son propre père atteint d’un cancer incurable, et ça les a décidés à écrire ensemble ce scénario largement inspiré de la vie de François. Et pour aller jusqu’au bout de ce côté film de famille, c’est le propre fils de François, Roméo Créton, qui y joue le fils adolescent de Michel, un fils qui tente de se dépatouiller de cette vie de guingois et qui sert souvent de béquille à son paternel, alors qu’il aspire comme n’importe quel ado à plus de stabilité familiale. C’est d’autant moins gagné que Michel vient d’avoir un enfant de son ex… Mais comment être père alors qu’il n’a pas de boulot fixe et à peine un logement, et qu’il a du mal à se passer des produits qui sont supposés l’aider à vivre mais le laissent encore plus mal quand leur effet stupéfiant est passé ? Comment affronter en parallèle la fin de vie prochaine d’un père qui ne lui a jamais vraiment montré son amour ? Eh bien Michel va décider de s’accrocher, et d’arriver à se relever.
Et c’est par là, par cette volonté farouche, par cette énergie vitale que le film tourne le dos à toute glauquitude, à toute tentation du désespoir. Tout au contraire, Les Héroïques est un film qui porte un énorme espoir, un énorme élan d’optimisme, et qui en plus déborde d’humour et de scènes drolatiques, François/Michel, rocker fracassé au cœur tendre, s’imposant comme un vrai personnage de cinéma, irréductible et formidablement attachant. Et ce n’est rien de dire qu’il est bien entouré : Richard Borhinger, Arianne Ascaride, Clotilde Courau et tous les autres sont juste splendides de justesse et d’émotion.