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Bande de garçons
Inspiré peut-être par l'air des montagnes (le film a été tourné à Bagnères-de-Luchon et dans ses environs, les Pyrénées sont magnifiques) et sans aucun doute par la complicité au scénario de Céline Sciamma (réalisatrice de Tomboy et Bande de filles), André Téchiné signe avec Quand on a 17 ans son meilleur film depuis Les Témoins en 2007. Remarquablement écrit et construit, le scénario s'intéresse aux relations complexes, contradictoires, entre Thomas et Damien (Corentin Fila et Kacey Mottet Klein, formidables), deux lycéens qui ne cessent de s'affronter, de se battre, de se chercher – dans tous les sens du terme.
Construit comme un triptyque autour des trois trimestres d'une année scolaire, le film prend d'abord le temps de poser son récit, de caractériser les personnages et d'installer des intrigues secondaires qui sont autant de fondations. Il y a bien sûr les deux adolescents que tout semble opposer : l'intellectuel et le paysan, le fils de bourgeois – une médecin et un militaire, en mission en Afghanistan – et l'enfant adopté par des cultivateurs, le gars de la (petite) ville et celui du haut de la montagne. Immédiatement, cela fourmille de thèmes et de possibilités.
Il y a également leurs parents (Sandrine Kiberlain en tête, parfaite dans le rôle de cette mère fantasque et joyeuse), que Sciamma et Téchiné incluent largement au récit, prenant le contre-pied des habituels films sur une adolescence évoluant dans sa propre sphère, loin du monde des adultes. Quand on a 17 ans est en cela d'une grande subtilité, montrant notamment une relation mère-fils harmonieuse et simple qui dynamite les clichés du genre.
Et puis, au fur et à mesure qu'avance le film, le scénario continue de se nourrir avec des intrigues parallèles qui tour à tour font écho à l'histoire des deux adolescents, ou lui servent de catalyseur. Cela permet de faire exister les personnages secondaires et de garder une grande homogénéité dans la narration qui devient limpide et presque évidente, tout en ménageant surprises, chemins de traverse et rebondissements.
Car si, au départ, on croit voir arriver les grosses ficelles du scénario, on s'aperçoit rapidement que Téchiné neutralise tout ce qui pourrait être outré, se contente de suggérer ce qui est indispensable, et s'amuse avec les attentes du spectateur. Passée la première demi-heure de mise en place, le film bascule ainsi dans un mélange d'humour, de douceur et de complicité qui rend la situation de départ éminemment plus subtile qu'elle ne le paraissait au départ.
On est alors bouleversé par la manière dont le cinéaste (âgé tout de même de 72 ans) s'approprie les affres de l'adolescence et filme avec grâce leurs corps-à-corps brutaux, expiatoires et ambigus. Il capte avec une simplicité déconcertante cet aspect purement physique de la relation conflictuelle entre Thomas et Damien qui ont besoin de passer par les coups pour en arriver aux mots. Puis aux gestes d'amour, filmés eux aussi avec une sensualité spontanée, sans effets ni calculs.
Comme souvent, il n'est pas tant question dans Quand on a 17 ans d'homosexualité que de la rencontre amoureuse entre deux adolescents qui s'avèrent être deux garçons. Nuance de taille pour un film lumineux qui prend le sujet de l'adolescence à bras-le-corps mais joue la carte de la retenue, du sens du détail et de la légèreté.