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Identification d'une femme
Anna est une femme au seuil de la cinquantaine, elle est délicate et en même temps tenace, ses problèmes de famille l’obsèdent: ses parents âgés à court d’argent, son frère au chômage et un de ses trois enfants, Arturo, sourd-muet, avec toutes les conséquences de ce handicap. Et finalement, Anna décroche ce qu’elle a tant désiré, travailler sur le tournage d’une fiction télévisée comme "souffleuse" : elle transcrit les répliques sur de grandes feuilles qu’elle montre aux acteurs pendant qu’ils jouent ( en jargon, ça s’appelle "prompteur"). Mais Anna ne trouve pas la paix, elle voit le monde en noir, un passé douloureux à porter conditionne désormais sa vie. Cauchemars et visions l’assaillent régulièrement: une mer noire qui enfle, dans laquelle chutent des nuages chargés de présages funestes; le bus qu’elle prend pour rentrer chez elle est habité par des âmes tourmentées dantesques et puis, cette eau qui rapidement l’encercle… Anna refuse de voir ce qui l’entoure, ce mari violent (Massimiliano Gallo) qui rapporte chez lui beaucoup d’argent provenant d’on ne sait où. C’est pour ça que cette femme accepte les avances de cet acteur (Adriano Giannini) qui lui donne le sentiment d’être aimée et estimée.
Presque 20 ans après Giro di lune tra terra e mare (1997), son unique long-métrage de fiction au milieu d’une quantité d’œuvres pour la plupart des documentaires, Beppe Gaudino surmonte mille difficultés et rassemble une cohorte de producteurs indépendants pour réaliser un film qui révèle et développe son imaginaire "riche et complexe", comme l’a bien défini Valeria Golino. Dans Per amor vostro, beaucoup d’éléments s’assemblent: la tradition musicale napolitaine des Epsilon Indi, qui unissent musiques populaire et électronique dans un magnifique travail de recherches qui parcourt tout le film; l’art pictural avec la technique du digital painting que le réalisateur applique aux images du film dans une sorte de kaléidoscope; l’iconographie et la culture religieuse méditerranéenne avec sa palette un peu hallucinante de couleurs et son appareil de madones, anges et squelettes à vénérer; la géographie de Naples embrassée par le regard du réalisateur depuis le Cimetière des Fontanelles, en bas de Capodimonte, à Rione Sanità, et de l’église del Purgatorio ad Arco, jusqu’aux Catacombes de San Gaudioso. Et il y a l’humanité absolue de la protagoniste, une femme qui demande un peu d’amour et dont les yeux ont une profondeur de champ réduite que restituent bien les lentilles à longue focale utilisées par le directeur de la photographie Matteo Cocco.