Aude et Benjamin s’aiment profondément et vivent ensemble depuis 6 ans. L’envie de fonder une famille fait son chemin, elle devient omniprésente. Et lorsque Aude ne peut pas avoir d’enfant, Benjamin si, il le peut, lui qui est en pleine transition, et qui désire porter cet enfant par-dessus tout. Alors qu’il s’exécute, Benjamin met en péril la fin de sa transition.
Vouloir n’est pas pouvoir. La maternité représente tellement pour ce couple, c’est un tout, une consécration. Mais fonder cette famille représente un gros problème: Benjamin, qui a « décidé » d’être un homme selon les dires de son entourage, va prendre la décision de porter cet enfant, même si au regard de la loi il est un homme. « Porter un enfant, c’est considéré comme le symbole universel de la féminité » explique une médecin aux deux tourtereaux.
Dans A Good Man, le cadre s’attarde sur la transition de Benjamin, sur son combat perpétuel pour (enfin) vivre une vie libérée des tracas. La véritable force du film réside dans cette bataille viscérale pour que Benjamin devienne enfin l’homme qu’il n’était pas à la naissance. Le film converse avec les à-côtés, glissant vers l’entourage et les conséquences qu’une telle décision peut engendrer. Le frère, joué par Vincent Dedienne, est un premier souffle sur les braises, rappelant la complexité pour l’entourage de tout simplement accepter. Et puis une mère silencieuse qui ne cesse de l’appeler « elle ». Marie-Castille Mention-Schaar dissèque une sphère familiale en lambeau, laquelle déborde inévitablement sur le bien-être du couple que forment Aude et Benjamin.
Le parcours de Benjamin et les facteurs administratifs sont effleurés sans trop en faire, sans accabler l’État, tout en retenue, et donne à voir ce que peut engendrer un changement de sexe. Inutile de s’époumoner ou de filmer des crises de colère, la force du film est assurément cette fine intériorité. Dans A Good Man les instants et les mots simples ont du poids et pèsent sur une union prête à être sacrifiée. Le duo Noémie Merlant et Soko transmet cette sensation de vertige, une trace émouvante dans une terrible lutte. Merlant se glisse remarquablement dans le personnage, authentique et poignante. Son incarnation élève le film à un tout autre niveau. Une authenticité qui se ressent également dans l’écriture du personnage - Mention-Schaar a fait appel à Christian Sonderegger, une cinéaste française qui a relaté la transition de son demi-frère dans son film « Coby » (2018).
L’histoire évolue en une poursuite du bonheur, pour embrasser le bon genre et célébrer cette nouvelle plénitude. Mais les aléas peuvent être brutaux. La solitude, la nuit du cœur, le brouillard de l’absence; Benjamin souffre et prend de la place sans s’en apercevoir. Aude décide même de quitter cette relation, voyant la toxicité poindre. Ce film est une déclaration empreinte d’émotion de Mention-Schaar. La douleur vampirise les deux membres du couple, avec en guise de cadeau, la transparentalité.
A Good Man est un combat, tout comme l’était le prodigieux Girl ; une vision de la transidentité semblable, bien que différente dans le ton - moins brutale et plus emphatique que dans le film de Lukas Dhont. Les deux métrages suivent progressivement les transformations des corps et les sautes d’humeur. Marie-Castille Mention-Schaar sculpte une histoire délicate, un portrait à ranger dans les pellicules nécessaires pour la compréhension de tous et toutes. CINEMAN