Tourné entre 2014 et 2017 sans autorisation dans les rues de Paris, il a ensuite été soutenu par des internautes lors d’une campagne de financement participatif. Après ça, le combat était du côté de la distribution et tout s’est finalement soldé par l’intérêt de Netflix. Mis en ligne le 22 février 2019 et rebaptisé “Paris est à Nous”, le film du collectif Elisabeth Vogler était donc très attendu.
Avant même de le découvrir, “Paris est à Nous” promettait de bousculer les codes du cinéma et il faut bien avouer qu’il y parvient en partie. Avec une caméra toujours proche de son héroïne jouée par Noémie Schmidt, la place laissée à l’improvisation et la captation d’ambiance, le pari était ambitieux. Il s’agissait en fait de faire ressentir l’atmosphère de Paris et se servir de sa force pour construire un récit.
L’histoire est celle d’une jeune parisienne, Anna. Elle vit une histoire d’amour passionnée avec Greg, mais celui-ci veut s’installer à Barcelone. Il lui demande de la rejoindre. Alors qu’elle s’apprête à attraper son vol, Anna n’a pas son passeport et manque son avion. Celui-là même s’écrase quelques minutes après, tous les passagers sont déclarés morts. Anna commence alors à être envahie d’un malaise, elle sait qu’elle a eu une chance inouïe mais d’un autre côté se rend compte que la vie ne tient pas à beaucoup de choses. Elle sombre dans la tourmente, et Paris devient le miroir de ses troubles.
Après la magie de la rencontre, qu’est-ce qu’il reste ? Anna ne cesse de se poser cette question alors que plus rien ne va avec Greg. Plus rien ne va non plus pour Paris prise d’assaut par de tragiques événements. Anna se bat pour que son couple perdure mais ne peut s’empêcher de le voir tomber en ruines. Elle revit sans cesse le soir de leur rencontre avec Greg, comme si rien d’autre n’avait d’importance. Dans un univers lynchien verbalisé, les angoisses d’une génération perdues prennent forme petit à petit. Anna n’a pas d’ambition professionnelle et veut vivre le moment présent tandis que son compagnon veut se faire de l’argent et être confortable à long terme.
Les images captées par le jeune collectif français Elisabeth Vogler proviennent de scènes de Nuit Debout et de rassemblements après les attentats de 2015. Il s’agit de la toile de fond du film qui s’est construit au fur et à mesure des événements et des déambulations de l’équipe dans Paris. Si certains moments d’errances paraissent longs, ils ont le mérite de poser des questionnements forts. “Paris est à Nous” est clairement un film de sensations avec tout ce qu’il amène de positif et négatif, à prendre en entier. Mais il faut absolument saluer l’envie et la démarche de cette jeune équipe qui a envie de faire du cinéma autrement et qui s’en donne les moyens, faits suffisamment rares (surtout en France) pour être soulignés. C’est aussi finalement une belle ode à la vie et à la ville.