Boxeur au bout du rouleau, Davy Gordon se surprend à vouloir aider une voisine, entraîneuse de dancing malmenée par son patron. Il tombe amoureux d'elle. Elle veut changer de vie, son patron ne l'entend pas de cette oreille, Davy se retrouve embringué dans une sale histoire de désir et de jalousie…
Un homme, seul sur le quai d’une gare, attend en fumant une cigarette. C’est en voix off qu’il nous donne à entendre son histoire, selon le procédé bien connu du flash-back. La mise en scène, l’utilisation du noir et blanc évoquent le film noir que chacun de nous aurait déjà vu, mais dont Kubrick utilise les codes avec une remarquable parcimonie, refusant les ambiances trop lourdes et écartant les clichés du genre.
De ce fait, le film est davantage qu’un simple exercice de style qui témoignerait de l’habileté technique du cinéaste. On y trouve déjà tout le génie de Kubrick pour la mise en scène, qui déborde ici d’inventivité et d’audace. Les relations entre les différents personnages sont traitées sans manichéisme, y compris lorsqu’interviennent les figures crapuleuses – Frank Silvera est admirable dans le rôle de Rapallo, personnage dément et criminel mais sincèrement amoureux de Gloria. Le jeu sensuel et parfois cruel d’Irene Kane, l’allure blessée de Jamie Smith, participent d’un même mouvement où la violence des gestes fait écho à celle, bien plus redoutable, des sentiments et des mots.
Ce Baiser du tueur, son second long-métrage (mais le premier, Fear and desire, il l'a renié), n’a rien d’une tentative maladroite. Au contraire c’est déjà l’œuvre d’un cinéaste accompli qui parvient à transcender les lois d’un genre, comme dans la dernière séquence, hallucinante course-poursuite qui nous plonge dans une réserve de mannequins où combattent les deux prétendants de Gloria.