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Sébastien Betbeder fait de notre petite musique intérieure, un très joli film où chacun expose ses sensations au présent, sur de la pellicule en 1.37 conjuguée au passé qui parle au coeur. Avec le 16mm, le présent est déjà occulté par la sensation sourde du futur, pas aussi grand qu'on ne se l'était imaginé, avec cette ligne de crête au bout de l'horizon, où derrière peut-être, ne se cache plus ce même espoir de l'époque du bac, de l'université... où l'on croyait avoir le temps. Les personnages se confessent à l'image numérique, face caméra, s'adressant au spectateur ainsi qu'à lui-même, dans des monologues à la diction décalée. Ils ressemblent un peu à ces protagonistes de télé-réalité qui s'épanchent, à l'heure où tout est commenté... à ceci près que ces gens là, on a envie de les aimer, parce qu'ils ont ce regard lucide, tendre, absurde et cruelle sur la vie. Alors certes, ce film, par ses nombreuses références, pourra perdre certains (pas sûr que tous les âges saisissent la mention à Rick dans Walking Dead) mais peu importe, car son universalité fera l'unanimité. Au début, on craint un peu le long-métrage de trentenaire parisien qui s'écoute et puis très vite, on est saisi par la douceur de Vincent Macaigne, la froideur mâtinée de fragilité, très "Deneuvienne", de Maud Wyler, ainsi que par tous les autres personnages... Les références à la vie de tous les jours pourront rappeler un lointain "Bref" où tout un chacun peut se laisser porter dans quelque chose qu'il maîtrise mais sans que cela en devienne trop accommodant, sans que cela devienne une excuse pour faire passer la pilule.
Une lente amertume se diffuse progressivement, on quitte doucement le terrain de l'humour décalé pour se diriger vers un univers plus "sombre", car il est bien question de mort (l'avc, le coup de poignard...) et de séparations. La drôlerie flirte avec les larmes et le tout est d'une subtilité et d'une efficacité bien au-dessus de certaines comédies acclamées en ce moment dans les salles (suivez mon regard vers un certain Guillaume...). Quand on sait que le réalisateur et son producteur ont dû se tourner vers l'économie du court pour faire un long, on se dit qu'il y a encore du chemin à parcourir pour que la vitalité du cinéma français, bien présente, soit estimée et produite à sa juste valeur. Car ce film là ose ! Passé par le Fresnoy, Sébastien Betbeder utilise les différents supports (numérique, pellicule), les adresses à la caméra, ses films en super-8 du temps des beaux-arts pour en faire un patchwork inventif, pas prétentieux pour un sou et bourré de créativité. Le vrai bon film de Noël, avec de vrais morceaux de neige dedans (et un peu des portes du paradis avec).