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C’est quoi finalement le travail ? C’est la question à laquelle se sont attelés Luc Joulé et Sébastien Jousse à la faveur de la présence du compositeur Nicolas Frize, en résidence dans l’usine PSA à Saint-Ouen pour sa future création musicale. Ils se sont immergés deux années durant au plus près du travail à l’œuvre dans cette usine de production industrielle qui emboutit chaque jour 800 000 pièces de métal pour alimenter les chaînes d’assemblage du groupe automobile. De journées à observer et écouter, comprendre et rechercher… À l’arrivée, c’est vraiment du beau travail ! Avec eux, nous plongeons dans le monde du travail ouvrier et l’univers d’un compositeur hors du commun. À l’image, les cinéastes dissèquent les rouages de la production industrielle tandis que les voix des ouvriers décrivent des approches du travail et des existences aussi riches que plurielles. Une restitution qui traduit une acuité et une sensibilité remarquables, à travers des témoignages touchants, souvent surprenants, toujours passionnants. Pendant ce temps-là, le compositeur franchit, tantôt en discret glaneur de quelque sonorité ou matériaux, tantôt en véritable orchestrateur, les étapes d’une création qui s’offrira à nous. N’ayons pas peur des mots : c’est brillant ! Mais laissons les parler de leur travail :« Deux travails se rencontrent. Celui des salariés de l’usine. Prescrit et standardisé, entièrement tourné vers la production. Celui de l’artiste, qui fait confiance à l’intuition et s’invente chemin faisant. Cette rencontre questionne le travail en général. C’est quoi le travail ? Qu’est-ce qui fait travail ?
« Tout au long du film, ces deux travails dialoguent. Ils conduisent à une création musicale, réunissant musiciens, chanteurs amateurs et professionnels, ainsi que certains salariés. Pour le concert, l’usine ouvre ses portes. Le public est invité à un chemin musical dans l’univers même du travail. À mesure que le film avance, par le montage entrecroisé du travail de création de Nicolas Frize et celui des salariés de l’usine, les deux travails se questionnent. Le film, plutôt que rechercher ce qui distingue voire oppose, laisse entendre avec attention des résonances communes. Il dévoile le territoire si particulier et si intime de la relation de l’individu à son travail. Les racines nécessaires à tout travail.À travers la parole des salariés et du compositeur, le travail laisse entrevoir la nécessaire part de soi qu’il engage. Il implique l’individu tout entier, son corps, les ressources les plus profondes de sa personnalité.
« Sans contrainte, nous sommes partis à la recherche de cette mécanique invisible du travail. Cette part intime, si essentielle, sans laquelle le travail ne peut exister. Sinon à se réduire à une simple tâche. Où se niche le travail vivant dans cette unité de production industrielle ? Comment le travail artistique de questionnement et de transformation de Nicolas Frize contribue-t-il à révéler un “terrain d’entente” propre à deux travails pourtant si éloignés au premier regard ? Maintenant, c’est à ce travail de perception sensible que le film invite ses spectateurs. »