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C'est une comédie policière enlevée et trépidante, avec en tête d'affiche imparable un personnage de loser que vous allez adorer, parce qu'il est l'incarnation vivante de la loi non moins imparable des emmerdements maximum ! Et ce petit polar hilarant représente en plus une grande première puisqu'il se déroule dans les territoires palestiniens, où la sus-dite loi des emmerdements maximum et autres complications s'applique mieux encore sans doute que dans la plupart des autres coins du monde.
Il faut dire d'emblée que les emmerdes, Mousa, notre héros, les cherche avec plus de constance que Lancelot le Saint Graal. Il pourrait gentiment suivre les traces de son pauvre père qui se tue à la tâche sur des chantiers en Israël, après avoir obtenu au prix de moult démarches le sacro-saint laissez-passer. Ben non : à peine a-t-il commencé à touiller le béton sous un soleil de plomb qu'il se décourage et abandonne le bleu de travail et son paternel désespéré sur l'échafaudage pour aller traîner dans les beaux quartiers à la recherche d'une bagnole à tirer…
Le jeune homme est un voleur, soit. Il pourrait au moins courtiser une honnête jeune fille… Mais non : il préfère forniquer avec une riche épouse à qui, on le comprend vite, il a fait jadis une enfant, qu'il a été contraint d'abandonner. La vie de Mousa est donc déjà très très compliquée, mais elle va le devenir encore plus quand il va s'avérer que, dans le coffre de la voiture qu'il a volée (celle dont il était question trois lignes plus haut, il faut suivre !), se trouve un soldat israélien qui a de toute évidence été enlevé ! Voilà-t-y pas que notre Mousa, qui au final n'aspire qu'à extorquer suffisamment de sous pour partir de Palestine grâce à un entraîneur de foot à corrompre, se retrouve dans une situation impossible, avec sur le dos :
1/ des fedayin très remontés d'avoir perdu leur otage
2/ un flic israélien sadique et sous cocaïne qui le soupçonne intuitivement d'être pour quelque chose dans l'enlèvement
3/ un soldat/otage un peu benêt à qui notre loser ne veut pas de mal mais dont il ne sait que faire
4/ éventuellement un mari jaloux qui pourrait découvrir le pot aux roses à tout moment
Ce premier et réjouissant film de Muayad Alayan fonctionne excellemment, sur le double registre du burlesque et du polar tendu. On pourrait le croire totalement apolitique, tant son personnage principal, héros lunaire et taciturne tout occupé à se dépatouiller de son petit destin personnel et bordélique, semble se foutre royalement du Grand Destin de son pays et des tractations autour de l'échange de prisonniers dont il est un des acteurs largement involontaire. Pourtant, au fil des mésaventures de Mousa, Muayad Ayalan montre bien quelques unes des caractéristiques qui font l'infernal quotidien des territoires palestiniens : la nécessité de survie qui oblige à faire allégeance à l'occupant comme le fait le père, la corruption généralisée incarnée par le riche mari de l'aimée de Mousa et par la figure rocambolesque de l'entraineur de foot, la pression permanente qu'exercent les autorités israéliennes, qu'on ressent bien à travers la paranoïa et le zèle quasi-maladif du flic israélien (l'œil rivé sur les images de drones qui surveillent tous les faits et gestes de Mousa – qui connait d'ailleurs parfaitement leur existence)… Mais malgré tout ça, croyez-le ou non, l'amour triomphera…