QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2017
De l’inconscient féminin
Philippe Garrel fait partie des cinéastes présentant leurs œuvres dans le cadre de la Quinzaine avec une certaine constance. "Nous nous sommes aperçus qu’elle était sa vraie maison au sein du Festival ", soulignait Edouard Waintrop lors de la présentation de sa sélection. Le réalisateur avait notamment inauguré la première édition en 1969 avec Le lit de la vierge, interprété par Tina Aumont et Pierre Clémenti, véritable ovni allégorique tourné dans le désert marocain, qui se situait dans la lignée de l’après 1968. Il devait revenir l’année suivante, puis en 1976, faisant l’ouverture de la sélection en 2015 avec L’ombre des femmes. L’amant d’un jour a de nouveau été écrit avec Jean-Claude Carrière, Arlette Langmann et Caroline Deruas et produit par Saïd Ben Saïd pour SBS Films. Tourné à nouveau en scope noir et blanc, photographié par Renato Berta et durant 1h15, le film constitue le troisième volet d’une trilogie, exercice déjà pratiqué par Garrel. "Dans La jalousie, je voulais traiter de la névrose chez la femme ; dans L’ombre des femmes, de la libido ; dans L’amant d’un jour, de l’inconscient chez la femme. J’ai voulu parler du complexe d’Electre, c’est-à-dire le pendant féminin du complexe d’Œdipe, même si ce n’est pas complètement symétrique ", souligne le cinéaste dans un entretien donné aux Cahiers du cinéma. D’abord daté en septembre, le film sortira en fin de compte le 31 mai.
Le cinéma en noir et blanc de Philippe Garrel est peuplé d’ombres et de spectres qui passent de film en film, disparaissent puis renaissent, pour composer inlassablement le motif permanent de son œuvre : la naissance et l’évanouissement du sentiment amoureux. Au cours d’une filmographie entamée à la fin des années soixante, les variantes de cette équation créatrice furent nombreuses et bien souvent douloureuses. Il semblerait que Garrel en ait trouvé, depuis peu, une formulation résolument douce et sereine. Un père, sa fille et une jeune amante : le cinéaste expose les parcours affectifs avec évidence, mettant à nu leurs comportements avec une authentique bienveillance.L'Amant d'un jour reprend la forme concise et aérée de son précédent film, L'Ombre des femmes. À nouveau, la beauté des images et le caractère romanesque du récit conduisent le cinéma de Garrel vers une respiration et une grâce toute retenue qui éclairent à merveille les sphères intimes de ses personnages.
Après une rupture, Jeanne retourne chez son père et découvre qu'il est en couple avec une jeune femme du même âge qu'elle. Ils gardent leur relation discrète : Ariane est étudiante, il est son professeur à l’université. De quoi redouter les regards extérieurs.
Ariane devient vite un précieux soutien pour Jeanne en l’aidant à surmonter son désarroi amoureux. En retour, Jeanne saura garder le secret au sujet des flirts épisodiques auxquels Ariane s’adonne dans le dos de son père. Mais la maturité en amour apprend à n’être dupe de rien…
Entre fougue et sagesse, le trio interprété par Esther Garrel, Louise Chevillotte et Eric Caravaca confère un bel équilibre à cette exploration du thème de la fidélité en amour. Les blessures existent, Philippe Garrel le sait bien. La beauté de son film est d’avoir su le capter sur les visages de la jeunesse. Sans oublier d’en proposer l’antidote par une hauteur de vue bienfaitrice.