Elles sont mère et fille et pourtant un gouffre les sépare.
Véra, la mère, ardente défenseuse des droits et des libertés et résistante contre la dictature militaire brésilienne, est passée dans sa jeunesse par la prison, la torture puis l’exil. Vera est une femme tolérante qui croit aux vertus du dialogue, aux acquis de la démocratie. Elle reste aujourd’hui ardemment attentive au monde et engagée dans les causes humanistes. Forte de son passé politique, elle dirige aujourd’hui un orphelinat qui accueille des enfants séropositifs.
Tânia, sa fille, est mariée depuis 15 ans à une autre femme, Vanessa. Mais curieusement Tânia présente des aspects beaucoup plus conservateurs. Jeune fille gâtée, elle forme avec sa compagne un couple qu’on pourrait qualifier de privilégié. Elle reste centrée sur des luttes beaucoup plus personnelles, par exemple celle pour ses droits de femme homosexuelle à la procréation médicalement assistée.
Pour Véra, qui toujours tente de dialoguer et de comprendre, cette annonce est à la limite de son entendement. Sans doute aurait-elle préféré que Tânia et son épouse adoptent un orphelin de son centre… Même si elle ne se formalise pas franchement, c’est pour elle un paradoxe que d’envisager l’enfantement de cette manière. Surtout dans un pays où il y a un si fort taux d’enfants abandonnés. Surtout quand soi-même on a perdu, dans ces circonstances obscures, un enfant dans les geôles et qu’il a bien fallu continuer à vivre sans savoir s’il a complètement disparu ou s’il a vécu mais dans d’autres bras.
Le désir et la difficulté de la fille d’avoir son propre enfant rappelle à Véra ses souvenirs les plus douloureux. On comprend alors au travers de flash-back l’horreur et le déchirement vécus sous la dictature. Une douleur difficile à partager avec sa fille dont les préoccupations semblent en total décalage. Et qui n’en finit pas d’éloigner les deux femmes.
À nos enfants est un film qui nous questionne, nous dérange, notamment autour des enjeux collectifs ou individuels. Coécrit avec Laura Castro (Tânia dans le film), il est tendre, dur et parfois drôle aussi. Articulé autour de la maternité, la filiation, les origines, le film ne prend pas parti et laisse le spectateur se faire sa propre opinion sur l’homoparentalité mais aussi beaucoup plus largement sur la question de la transmission des valeurs que l’on porte et qui sont goulûment avalées par nos modes de vies, notre environnement et notre propre réalité.
Maria de Medeiros filme le Rio d’une classe moyenne qui lutte pour survivre. Ce n’est ni le Rio idyllique des cartes postale ni celui des favelas et de la violence extrême. C’est le Rio de ceux qui essaient juste d’avoir une vie démocratique et civilisée dans un moment où la société brésilienne connaît des temps obscurs...