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Les steppes kazakhes. Des paysages d'une beauté soufflante, aucun relief pour contrarier un horizon à perte de vue. Nous sommes plus précisément dans le Sémipalatinsk, au nord du Kazakhstan. (Le film fut en réalité tourné dans les steppes de Crimée pour des raisons logistiques). Le Kazakhstan, une terre sur laquelle les habitants ne sont pas gênés par leur voisins, chaque maison étant séparée de sa jumelle par plusieurs kilomètres. Ce n'est pas un hasard si les Russes ont choisi cette steppe pour y effectuer leurs nombreux essais nucléaires, pendant pas moins de quarante ans, entre 1949 et 1989.
C'est dans une de ces maisons des plus rudimentaires que vit une jeune adolescente, seule avec son père. Leur relation est belle, faite de menues attentions, de petits gestes du quotidien, comme lorsque le père branche le poste sur la batterie du camion pour amener la musique à sa fille. Tous eux ont l'ingéniosité de ceux qui ont peu et dont la vie semble réglée par la nécessité.
Chaque jour le père part travailler avec son tacot, mais il laisse le volant à sa fille jusqu'à l'intersection de deux routes où il la dépose et continue vers un au-delà qui nous restera aussi inconnu qu'à elle. Alors, un jeune homme à cheval vient immanquablement la chercher pour la ramener jusqu'à la maison. Immanquablement, elle lui offre de l'eau avant de le voir repartir fièrement sur le destrier qu'il n'a pas quitté. Sans doute la façon kazakhe de faire la cour, car à quatorze ans notre jeune fille est en âge d'être mariée. Un élément va venir troubler cette vie réglée comme une horloge suisse : en 1949, des Russes arrivent par avion… Et l'un d'eux, un jeune homme fantasque, va venir lui aussi chercher l'eau si précieuse chez notre belle kazakhe. Quelque chose passe immédiatement entre eux par le seul regard.
Car nous ne l'avons pas encore dévoilé, le film est muet, sans aucun dialogue, juste les images et les sons, et cela ne pose aucun problème au spectateur que nous sommes. Au contraire. Les choses ne semblent pas avoir besoin de mots pour être désignées. Chaque jour les mêmes gestes, les mêmes besoins qu'il n'est pas nécessaire de nommer. Quant aux sentiments, ils trouvent naturellement leur propre mode d'expression, leur propre chemin. Le triangle amoureux, une histoire aussi vieille que l'humanité. Qu'ajouter de plus ?
Alexander Klotz n'a jamais imaginé son film autrement que muet. Et on peut se le permettre quand on est un grand faiseur d'images comme lui. Certains plans sont d'une beauté à couper le souffle, mais ce n'est pas ce souffle, ni même le souffle de l'amour, qui inspire le titre, mais un souffle plus néfaste… Mais je ne vous en dis pas davantage, vous découvrirez cela en venant tenter cette expérience de cinéma audacieuse.