Les Meilleures

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“Sur un mur de ma rue, on a tagué : ‘Le premier qui tombe amoureux a perdu.’ Moi je dis que c’est vrai. Parce qu’après, tout le monde parle sur toi. Parce qu’après, t’es à la merci, tu y penses tout le temps, et le monde est à l’envers.J’ai perdu, je suis amoureuse d’une fille, je ne sais pas quoi faire...”

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Ici règnent des codes – ceux de l’adolescence, ceux des réseaux sociaux, ceux du wesh, langage à part – qui tentent de s’émanciper de ceux des adultes. On se colle des défis drôles, idiots, parfois redoutables. On se fout la honte et on a peur qu’elle retombe sur soi. Souvent au cinéma étaient sur-représentées les aventures masculines, voici que les réalisatrices d’une nouvelle génération essaient de combler le manque de représentations féminines, loin des modèles préformatés. « Les meilleures », ce pourrait-être un surnom que des adolescentes se donnent pour se galvaniser, affronter les arènes de la vie, celles de leur quartier, pour se renforcer mutuellement. À l’instar des blancs-becs qui essaient de faire la loi sur leur territoire, les filles désormais se regroupent en bandes à accès très limité. Malheur à celles qui pénètrent sur certaines chasses gardées sans y avoir été expressément invitées, sans avoir été dûment cooptées. Pour son premier long métrage, Marion Desseigne-Ravel s’attaque à une part d’intimité sociale jamais franchement dévoilée à l’écran, un monde sans concessions où l’on peut voir détruire en quelques secondes une réputation forgée longuement. En témoignent les tags de l’immeuble où réside Nedjma avec sa mère sur-occupée et Leila, sa petite sœur à la complicité indéfectible… À l’adolescence, on ne se construit déjà plus dans le regard des parents, mais bien plus dans celui des camarades du même âge. Si l’on veut vivre en paix, mieux vaut ne pas faire partie de celles que l’on traite de « chôôôdes » avec ou sans la bonne orthographe. Alors, dans ce micro-univers impitoyable, où nulle n’est sûre d’échapper très longtemps à la rumeur et aux caméras des téléphones portables, Nedjma file doux, sans raser les murs mais en se coulant dans le moule de la fille cool, un brin asexuée, tantôt traînant avec son cercle de copines, tantôt jouant au foot avec quelques gars du quartier.
Le seul havre de paix véritable semble être le local de l’association de quartier où les éducateurs et éducatrices canalisent les affrontements à coup de discussions, d’écoute, de défis musicaux. Et c’est là que Nedjma va véritablement découvrir Zina, sa nouvelle voisine, l’antithèse de ce qu’elle est : plus extravertie, plus assurée, plus féminine, plus cultivée et quelle voix ! Les deux s’observent, mues par une attirance irrépressible, mais tout de même en chiennes de faïence, puisqu’après tout, elles font partie de deux bandes rivales, capables de violence. Mais certaines choses semblent en définitive plus fortes, des choses que Nedjma ne sait pas nommer, reconnaitre, encore moins assumer. À son corps défendant, elle ne pourra pas toujours fuir ce doux regard qui la comprend sans qu’elle ait à parler, qui reconnait en elle une tendresse qu’elle ne laissait pas transparaitre. Le dilemme sera terrible. Comment vivre au grand jour cette amitié sans tout perdre ? Leur premier rendez-vous se fera loin des yeux indiscrets, sur le toit de leur immeuble, sous les étoiles d’une nuit complice…
Dans une ambiance pop et bigarrée, la trame de l’intrigue est plantée, complexe, intelligente. Jamais il ne sera question de véritable homophobie. Tout est plus diffus que cela. C’est d’abord la présomption d’hétérosexualité qui enferme Nedjma dans le silence, qui la coupe de ses amies de toujours, de pouvoir parler à sa mère. Et même si les temps changent, il a été difficile, preuve que rien n’est encore complètement gagné, de trouver de jeunes comédiennes pour interpréter certains rôles, par peur d’être stigmatisées. C’est à coup d’humour et de courage que les filles devront conquérir encore plus de place pour exister !