C'est un cirque dans la périphérie de Rome, pas un gros, pas un rutilant, à mille lieux des fastes Berlusconiens… Ses artistes font plus penser à ceux de La Strada qu'à ceux des soirées de Patrick Sébastien… Presque tous ne sont plus en rodage depuis belle lurette, ne savent faire rire que les fauchés, les pas beaux des quartiers pas friqués, et ils aiment ça, parce que leur tête est pleine de lumières qui clignotent pour un oui pour un non, qu'ils ont la tendresse à fleur de cœur et qu'au fond, cette vie-là, incertaine, pleine de liberté et de voisins sympas du même tonneau, ils l'ont choisie, définitivement choisie.
Dans une roulotte chaleureuse et sans luxe, parmi d'autres roulottes sans luxe et chaleureuses, Patti vit en pleine gadoue, entourée de chiens farceurs. Et justement ce soir-là, elle peste parce qu'il y en a un qui s'est fait la malle. Ses cheveux rouges en bataille, elle tourne et retourne entre les immeubles, rôde vers le terrain vague voisin et voilà qu'au milieu d'un tout petit parc avec des jeux d'enfants, devinez quoiquigna ? Une gamine trognone qui se balance… seule ?
En tout cas pas un chat à l'horizon et toujours pas le chien de Patti. Alors Patti papote, pousse un petit coup la balançoire, amuse la gamine, lui chatouille le nez, comprend qu'elle s'appelle Asia, puis finit par l'emporter pour chercher avec elle le chien, mais aussi celle ou celui qui l'a posée là…
Le soir venu, arrivée dans sa chaumière, en enlevant le manteau de la petiote, Patti tombe sur un mot de la mère, demandant que celui qui la trouve garde la gamine, le temps qu'elle règle un problème urgent, qu'elle reviendra la chercher, c'est sûr… Le compagnon de Patti proteste un peu : déjà qu'on les voit d'un sale oeil ces saltimbanques sans gloire, il ne faudrait pas que les flics viennent leur chercher des embrouilles… Asia est si craquante et Patti si marrante que Tairo, le jeune garçon qui vit chez sa grand mère, se fait un plaisir de participer et tous les voisins adoptent Asia, si bien que plus personne n'est tellement pressée de s'en débarrasser…
Prix des Cinémas Européens au Festival de Cannes 2009, décerné par des jurés unanimes : « La Pivellina est un film avec un grand cœur et un regard généreux » ont-ils dit en annonçant la chose aux deux réalisateurs, qui ont choisi le sujet pour pouvoir parler de ces comédiens de cirque qu'ils connaissent depuis longtemps et qu'ils voulaient filmer dans leur jus, dans leur vie, comme ils les aiment. Pour tourner le film sans effaroucher personne et apprivoiser la petite fille, tous les deux se sont installés dans une roulotte, se glissant dans le quotidien de cette poignée de saltimbanques : Tizza Covi à la prise de son, Rainer Frimmel à l'image, ils ont tissé, sans se presser, avec une délicatesse infinie, le plus joli, le plus délicieux, le plus émouvant film qui soit.