« Je suis libre ». Non, ce n’est pas une information, c’est un cri. Un hurlement silencieux, empli d'une infinie tendresse mélancolique. Le film de Laure Portier est comme son sujet, son petit frère en l’occurrence : un joyau brut. Mais sans jamais être brutal.
En 2005, la réalisatrice commence à filmer son frère. On comprend assez rapidement que leur enfance et leurs parcours ne sont pas les mêmes. Alors qu’elle commence une école de cinéma à Bruxelles, lui entre en centre éducatif fermé. Abandon du père, mère dépressive, Arnaud se débat dans la vie à la recherche de lui-même, de son émancipation. Les images défilent : plan après plan, on voit ce gamin devenir adulte, se construire d'une manière un peu bancale, se débrouiller souvent seul. Ne pouvant le suivre partout, Laure finit par lui donner une caméra pour qu'il lui envoie des images de ses exils en Espagne puis au Pérou. Nous découvrons alors des fragments de son existence, pratiquement toujours filmés face à l'objectif. Le regard d'Arnaud vous hypnotisera d'abord, avant de vous bouleverser et de hanter votre mémoire longtemps après la projection. Si la chronologie devient au fur et à mesure du film un peu moins nette, peu importe : plus que le parcours d'Arnaud, c'est sa perception des choses qui est passionnante... et bouleversante. Attention d'ailleurs, certaines scènes sont fortes en émotion.
Soy libre n'est pas qu'un film entre un frère et une sœur ou le récit de la galère d'un gamin en difficulté. Cet OVNI cinématographique est surtout un témoignage terrible sur la solitude, celle d'une jeunesse délaissée mais aussi d'une vieillesse abandonnée... Il trouve toujours le ton juste, jamais larmoyant, jamais voyeur. Une découverte incroyable. Du jamais vu.