3 | 2 | 3 |
Les yeux dans les yeux
Françaises, Français, « Souhaitez-vous (regard caméra) être gouverné (un temps) par l’homme ? (Un temps plus long) Ou par le costume de l’homme ? »
Chers compatriotes, la question est posée et la réponse pourrait se trouver, contre toute attente, dans les sous-sols de l’Élysée. Soit dans un espace aux décors réalisés par les meilleurs artisans ébénistes et peintres de France, où sont entreposés, entre autre, plusieurs bustes de Marianne (les plus sensuels), quelques chouettes empaillées, une grande pendule aux airs surréalistes… En effet : l'heure est grave. Le Président de la République (Philippe Katerine, impérial) est au plus bas dans les sondages, quelques mois à peine après son élection. Ses discours généreusement atypiques, son air de premier communiant extatique égaré dans l'antichambre des pensionnaires de Mme Claude, ses refrains minimalistes susurrés sur fond d'orgue Bontempi, plus rien n'y fait, plus rien ne fonctionne : le Président Bird a du plomb dans l'aile.
Premier conseiller de l’ombre, éminence grise du chef de l’État, Michel Battement a, de toute urgence et afin de trouver l’idée de génie qui inversera ce mouvement, convoqué, à l'étage du dessous donc, les meilleurs cerveaux de France aux profils tous atypiques, recrutés en tant que storytellers. Storytellers ? Non on ne cherche pas à vous raconter des histoires… Car l’objectif est d’accomplir une mission dont l’enjeu est précisément politique. Entouré de cette garde rapprochée, Michel Battement brainstorme, cherche, compose et assemble autant d’idées fulgurantes pour écrire LE scénario qui fera probablement la Une de l’actualité, aux pages Débats, Idées, Avenir et Pâtisseries Françaises.
Construit en apparence de bric et de broc comme un cadavre exquis à l'argumentaire aussi ténu que le dernier souffle d'une conduite abandonnée, Gaz de France invoque l'usine à gaz et le gaz hilarant, dégaze en haute mer et à huis clos son propos discrètement subversif, plongeant avec ravissement le spectateur mille fois consentant dans un labyrinthe non sensique, mis en scène avec une rare élégance, au dandysme assumé et à la désinvolture savamment travaillée. Chacun des participants à la cellule de crise y apporte avec lui un élément aberrant, déséquilibré, qui contribue à faire se dérober toute rationalité sous les pas pesants du Premier Conseiller si raisonnable. Plus Gaz de France avance et plus il se remplit de ces non-sens, conçus sans exubérance mais au contraire avec un sérieux et un flegme dignes des Monty Python.